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Critique de Ambages


« Le ciel noir a brillé intensément puis s'est éteint discrètement. » C'est ainsi que je referme ce livre bouleversant.

Il y est question de la misère sociale à Buenos Aires. Enrique Medina parle bien de ce sujet et son résumé de la situation est juste et sans appel : « Personne ne dit : ''A celui qui travaille de ses mains, qui se lève à quatre heures du matin pour pointer à l'usine à sept, qui se casse le cul pour nourrir sa famille, il faut lui donner davantage parce que c'est lui qui fait tourner le monde''... Personne ne dit ça, tout le monde pense qu'il n'a qu'à se faire foutre et c'est marre... »

Mingo, 18 ans et sa soeur Mercedes, 15 ans se retrouvent orphelins, sans argent, ils cherchent à s'en sortir. Leur mère vient de décéder. « Quel sens donner à la vie ? Maman. » le père est parti peu avant la naissance de Mercedes et n'est jamais reparu.

« Naître c'est déjà courir un risque, non...? »

Mingo a toujours été pouponné par sa mère, habitué à être traité en pacha, il ne sait rien faire et surtout ne veut rien faire. Sa soeur aimante prendra la suite de la mère décédée et s'occupera de lui. L'argent manque, il ne fait rien et le maigre salaire de Mercedes provenant de l'usine ne suffit plus. D'autant que Mingo cherche les embrouilles et se retrouve en prison pour vol. Elle en vient à perdre son travail.

Il a alors l'idée de la prostituer. Elle, qui n'est pas la plus belle du quartier, qu'aucun garçon ne regarde, tombe de l'arbre. Histoire de lui faire bien comprendre qu'elle va devoir obéir, Mingo emploie la méthode forte. Elle pliera, parce qu'au fond elle pensera ainsi expier. « On est nos propres esclaves les uns des autres. »

On entre dans la spirale infernale. Des chapitres sont vraiment très durs. Mais on espère un rayon de soleil. Idiote, naïve que je suis !! « Tu me dégoûtes et je me dégoûte, moi, je sais, parce que je le sais, la vie est une saloperie puante, ce qui me fout en rogne c'est que les gens soient si naïfs et cons et qu'ils passent leur temps à répéter des phrases toutes faites que les grands enfants de putains ont créées pour que les tarés les répètent comme des perroquets. »

Ils vont aller de cabarets en cabarets, elle fera son numéro de stripteaseuse, aguichera les clients et prendra le pèze. C'est son métier. Mais Mingo « son sauveur » est toujours dans les embrouilles, il boit, joue.. et doit de l'argent. Elle sera l'une des mises lors d'une partie de cartes. Mingo perdra. Comme toujours. Et comme toujours, elle perdra avec lui. Enrique Medina constate que Mingo est un fainéant, un maquereau mais ne le juge pas. Qu'aurions-nous fait dans une telle situation, quand la vie se résume à cette réalité : « c'est tous contre tous, un contre tous, tous contre un. »

J'aime l'écriture de Enrique Medina. Ses mots tragiques sont enlevés. L'écriture est percutante et profonde, entre deux il arrive à avoir une pointe d'ironie plaisante. « Mercedes, alias ma fille, a levé un regard interrogateur sans capter la question de l'ours noir qui la fixait de ses yeux de statue maculée de chiures d'oiseaux en été. »

La prostitution vue par Médina, c'est le système qui est dénoncé. Il les connait les putes, les seules personnes qui ont son estime : « J'aime les putes. Je leur dois le meilleur de moi-même. »

« ... l'être humain, l'être le plus infect et pourri qu'il y ait sur terre, excepté les putes, hein ? »
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