Boni est outré car les Gould vont désormais intervenir dans ses affaires. L'idée que son beau-frère devienne le modérateur officiel de ses fantaisies, notamment de sa passion pour les objets d'art, l'insupporte. La presse attise son exaspération en le brocardant à qui mieux mieux : elle ironise sur le "bouchon" mis sous la forme d'un conseil judiciaire à "la goulden fountain" pour freiner "la danse fantastique que la comtesse fait exécuter aux dollars du papa Gould." Persifleurs, les journalistes font mine de s'apitoyer sur "le triste sort et la détresse" de la malheureuse comtesse qui ne dispose plus que de son simple revenu, soit de la bagatelle de "huit-mille-deux-cent-dix-neuf francs dix-sept centimes par jour ..." Enfin, la médiatisation de la décision de la justice et, surtout, la certitude que la liquidation du passif durera des années, en raison du caractère inaliénable du capital qui produit les revenus d'Anna, font frémir une meute de créanciers dont les récriminations s'ajoutent, des deux côtés de l'Atlantique, au tapage des journaux.
Sans surprise, chez Boni, le répertoire des invités correspond au Bottin le plus mondain, complété par les vieux fonds religieux hérités des fréquentations de sa grand-mère, du cardinal-archevêque de Paris au professeur à l'IInstitut catholique. Il y adjoint deux touches personnelles, mais qui ne surprennent guère : les artistes et les académiciens à la mode dans le grand monde - on est "à la page" - pas d'avant-garde - et les amitiés idéologiques forgées dans le combat anti-dreyfusard, d'Henri Rochefort à Edouard Drumont en passant par le général de Boisdeffre.