Il porte sur lui l'odeur de la forêt, de la végétation luxuriante. Le rouge de la terre et le rouge du fleuve.
J'ai renversé mon verre sur la piste de danse
Renversé mes cheveux en torrent dans ses mains
Basculé dans la nuit et le noir de ses yeux
Et je tombe tout entière, soudain, à la renverse.
Je reste seule avec cette bête tapie entre mes cuisses.
Un tigre.
Je me souviens avoir trouvé ça plutôt agréable de ne rien comprendre à ce brouhaha du dehors, à ce tintamarre mécanique, devant déjà faire face à ma cohue du dedans.
Je suis perdue dans ce bureau céleste au milieu des nuages et de la fenêtre je contemple la ville, grouillante, de ces petits insectes qui se croisent à un rythme effréné, j'embrasse ce paysage où l'individu n'a plus d'importance en soi, mais dans sa multitude.
J'ouvre la fenêtre et je disparais toute entière dans le nuage pour observer sa vie intérieure changeante, les turbulences qui l'agitent.
De tout le temps passé là-bas, j'ai à peine croisé l'autre locataire. Son prénom signifiait "gouttelettes de rosée" et elle avait probablement dû s'évaporer avant même qu'on ait pu faire connaissance.
Alors chaque jour j'ouvrais grand mes narines pour goûter à la saveur des nuits et des jours, pour les apprivoiser, en faire des habitudes, jusqu'à les appeler quotidien.
Tout ce qui se mange à Saïgon se respire.
Qu'il s'agisse d'une soupe, d'un mot ou d'une femme.
Je suis donc arrivée là-bas à l'heure de la mousson.
Sous une pluie diluvienne et sans imperméable.
Entre les gouttes, j'ai fini par trouver un appartement, où j'ai posé mes affaires.