Citations sur Territoires de l'imaginaire : Faites demi-tour dès que .. (6)
° Moi je dis ceci : l'oubli nous rend disponibles au monde, présent ici et maintenant. Aptes à vivre plutôt qu'à dévivre, qu'à revivre sans cesse ce qui n'a pas été vraiment vécu puisque nous étions surtout soucieux de l'enregistrer... de peur de le perdre ! Mais ce qui n'a pas été vraiment vécu est perdu pour toujours, captez-le. Aucun stockage sécurisé, aucun archivage sensoriel haute fidélité, fût-il crypté dans l'eau lourde d'une centrale aquadigitale, ne vous le restituera jamais à ce degré de fraîcheur, d'intensité fissile que le présent qui traverse un corps vivant offre - en passant. Et parce qu'il...passe. Vous, vous n'en avez jamais fini avec votre passé. Vous croyez sauver le plus précieux de vos existences bien ce que vous enregistrez ne soit toujours que cette faillite, indéfiniment répétée, de celui qui sent que l'intensité lui échappe puisqu'il n'a jamais su vivre chaque instant qui compte comme si c'était le dernier, comme si c'était le premier. Alors il le stocke, sous forme de vidéo, parce qu'il lui échappe, parce qu'il n'en saisit rien de profond, sous forme de meméo - afin d'y revenir, qui sait, de la rééprouver dans le futur, comme si la puissance unique de l'instant n'était pas déjà un cadavre qu'il a lui-même tué en l'archivant pendant qu'il pouvait le vivre...
(P428) Alain Damasio "Le Chamois des Alpes bondit"
-Je préfère marcher.
-Comme il vous plaira, monsieur Castagnet.
-Je préfère que vous m'appeliez Jérôme.
-Comme il vous plaira, Jérôme.
-Et tant qu'à faire, tutoyez moi.
-Comme il te plaira, Jérôme.
-Et transmets cette instruction à tous les processeurs de l'exploitation.
-Instruction transmise, Jérôme.
J'aimerais vous dire que les clichés qu'on vous a dits sur Marseille sont faux. Laissez-moi vous convaincre: tout les clichés sont vrais. L'accent, la folie, la pauvreté et le putride. Oh, je sais ce que vous pensez, derrière ces page bien imprimées: on le voit venir, Calvo, à nous raconter des bobards. On est bien dans une anthologie de science-fiction régionale, il va nous faire gober ses sardines grillées, son aïoli avé l'accent, il exagère.
On veut nous prendre notre bien le plus cher, c'est la Bonne mère qu'on vise. Vous voulez qu'on se fasse envahir ? C'est comme tous ces étrangers, qui veulent pas respecter comment on vit, on va laisser des rats nous prendre la Foir'Fouille ?
Mosba, il a regardé Rudi d'un drôle d'air. Je réalisais soudain que Rudi était peut-être un peu raciste.
----Le cul du loup- David CALVO ----
Marseille, c'est compliqué. On a essayé de comprendre pourquoi RIEN NE MARCHE. C'est simple, Marseille, c'est une panne par grand cagnard.
---- Le cul du loup- David CALVO ----
Au final, le plus grave ne furent pas ses blessures, à Sayo, c'était les souvenirs qui l'avaient transpercée à haute vélocité - des souvenirs vides, de neige pure et de souvenirs humains trop intenses, trop rapide pour être fixés - et qui l'avaient laissée le cerveau en archipel, incapable de continuité, de reconnecter vraiment au monde, à moi.
(P421) Alain Damasio "Le Chamois des Alpes bondit"