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Critique de Bougnadour


Pour les amateurs de musique symphonique particulièrement de la période romantique voilà l'ouvrage de référence pour comprendre cet ensemble disparate qui arrive souvent à produire des sons d'une ineffable beauté, grâce ou malgré l'agité qui depuis son pupitre se contorsionne et lance au ciel de mystérieux moulinets.

Christian Merlin musicologue et collaborateur de nombreux média connait son affaire, l'orchestre n'a pas de secret pour lui et beaucoup de ses membres lui ont confié bien des secrets savoureux ou intrigants qu'il livre au fil des pages.

D'abord il faut comprendre l'écosystème de l'orchestre : de la Russie aux États unis les institutions ne sont pas les mêmes, leur financement, leur fonctionnement, les conventions sociales, les recrutements différent et influencent le travail de l'orchestre. Entre les fonctionnaires français ou russes, les associés allemands ou viennois, les salariés précaires anglais ou américains la relation au travail et l'implication n'est pas la même.
La sociologie des musiciens est intéressante à connaitre, en règle générale les cordes, particulièrement les violons sont issus des classes aisées de la société (ça coute cher les longues études des violonistes), les cuivres viennent des milieux populaires (issus des fanfares municipales), dans les bois les flûtes sont enfants de cadres alors que les bassons viennent du peuple. Il faut toutefois rappeler que l'ouvrage a été rédigé en 1986, les profils ont dû évoluer depuis et la féminisation des orchestres s'est accélérée.

Merlin passe ensuite en revue tous les pupitres de l'orchestre en expliquant leur organisation qui ne saute pas aux yeux du mélomane. Quand on parle des orchestres symphoniques on les qualifie souvent de phalanges, à la lecture du livre on comprend l'usage de ce terme guerrier. Un orchestre est une formation militaire à bien des égards. Les hiérarchies sont extrêmement précises dans chaque pupitre et les musiciens sont jaloux de leurs prérogatives, l'auteur livre une foule d'anecdotes sur les conflits internes à l'orchestre.
On apprend par exemple qu'il y a un chef d'attaque des seconds violons et qu'il doit mener ses troupes avec fermeté mais doigté car il ne faut pas oublier que ces musiciens, même anonymes, sont des artistes de haute volée qui souvent pourraient être des solistes prestigieux et que les égos sont sensibles dans ces grandes formations.

Christian Merlin s'arrête aussi sur les instruments et l'on retrouve les vieilles guerres franco-allemandes, souvent les instruments français ne sont pas de même facture que les allemands et chaque pays se refuse à considérer celui de l'ennemi, quant aux autres pays ils font leur marché de part et d'autre du Rhin. du coup les orchestres français et allemands sont aux deux extrémités du spectre. Pour simplifier l'allemand est puissant et lourd pour briller dans Bruckner ou Mahler et le français souple et léger pour Ravel et Debussy.

Enfin l'auteur en arrive à la relation entre le Chef et l'Orchestre et elle ne va pas de soi, les chefs ont leurs caractères, leurs visions musicales et les orchestres les leurs. Il ressort des nombreux exemples de collaboration décrits par Christian Merlin que l'alchimie est mystérieuse et qu'il est difficile de prévoir si elle va aboutir à un chef d'oeuvre ou à un conflit catastrophique.
Tel chef va mettre dans sa poche un orchestre difficile en deux coups de baguette alors qu'un maestro réputé va réussir à se mettre à dos un ensemble docile. Il semble quand même que les problèmes arrivent par manque de considération mutuelle comme dans n'importe quelle entreprise.

Voilà un ouvrage délicieux, d'une lecture facile et agréable qui ravira tout ceux qui s'interrogent sur le mystère de l'orchestre. Christian Merlin en aborde tous les aspects de manière pédagogique et pleine d'humour avec l'aide de mille souvenirs que des générations de musiciens d'orchestre lui ont confié.
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