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Critique de YsaM


YsaM
15 novembre 2022
J'ai enfin découvert ce roman de Karen Merran que j'avais envie de lire depuis sa sortie. L'autrice nous embarque dans la vie d'une famille juive de Safi au Maroc, les Benshimon avec Max le père, Ruby, la mère, leurs 6 filles et Jacob, huit ans et demi, qui est le narrateur du roman.

Jacob adore sa vie à Safi, il aime sa grande maison, sa mère qu'il qualifie de meilleure cuisinière de la ville, la Dafina du Shabbat avec la famille, les odeurs d'épices qui embaument la maison, les blagues de son père, ses soeurs qui le taquinent et l'énervent souvent et son ami Brahim, le meilleur de ses amis, un champion des osselets et peu importe que Brahim soit musulman et lui Juif, ils sont marocains avant tout et surtout, une amitié sincère et forte les unit.

Karen Merran nous plonge tout de suite dans cette vie à l'orientale, on sentirait presque l'odeur des épices et la chaleur du Maroc, j'imagine les oliviers, les charrettes tirées par des ânes, le jeune Brahim qui livre ses poteries, la maman de Jacob qui s'active aux fourneaux, les filles qui courent dans la maison, la vie semble tellement douce sous le soleil du royaume Chérifien.

Jacob nous livre ses soucis d'enfant avec sa candeur et son innocence. Ses retards quotidiens à l'école parce que ses parents sont un peu désorganisés le matin, son professeur qu'il ne supporte plus et qu'il aimerait bien voir disparaître, ses punitions qu'il tente de cacher à sa mère mais qui sont bien vite répétées par une de ses soeurs, ses petites disputes avec Brahim qui finissent toujours par s'arranger et son inquiétude qui monte parce qu'il entend les grands parler de choses qu'il ne comprend pas.

En juin 1967, la guerre entre Israël et ses pays voisins semble inéluctable, ce n'est qu'une question de jours et le 05 juin, Israël entre en guerre avec l'Egypte, la Jordanie et la Syrie. Les juifs qui vivent dans des pays Arabes retiennent leur souffle, parce que même si la guerre est loin, le conflit se déplace et ils sont impactés par le conflit. Les parents de Jacob commencent à parler d'exil en France, ce qui n'est pas du tout du goût du petit garçon qui ne veut absolument pas quitter son pays et son ami Brahim. Pour lui il n'y a pas de juifs ou de musulmans, il n'y a que des marocains, il se sent parfaitement en sécurité à Safi, puis la famille y vit depuis des décennies. Sa soeur Simone est arrêtée et emprisonnée parce qu'elle fait partie d'une organisation juive qui aide les familles à quitter le pays et faire leur Aliya. Puis c'est au tour de son autre soeur, Messodi d'être, elle aussi emprisonnée, elle n'a pourtant rien fait de particulier, est ce que c'est parce qu'elle est juive ?

La tension monte, une peur s'installe, on ne parle plus fort, on chuchote, il ne faut surtout pas mentionner Israël, il ne faudrait pas non plus laisser entendre qu'on veut quitter le Maroc, les parents de Jacob ne se sentent plus en sécurité, ils doivent prendre une décision et un matin d'été, ils s'en vont, faisant croire à Jacob qu'ils partent en vacances, mais c'est un aller sans retour, la famille a décidé de s'installer à Paris, ils ont mis leur maison de Safi en vente. Tout le monde est au courant sauf Jacob, quand il apprend la vérité son monde s'écroule, c'est une trahison que le petit garçon ne peut pas comprendre, et il n'a même pas dit au-revoir à son ami Brahim.

J'aime beaucoup cette histoire vue des yeux d'un jeune enfant qui ne comprend pas pourquoi les adultes se compliquent la vie alors que tout semble si simple. On s'attache tout de suite à Jacob, on rit de ses facéties et de son super pouvoir qu'il s'est inventé et dont il est persuadé qu'il existe, on souffre avec lui quant tout à coup il se retrouve déraciné et plongé dans un monde totalement inconnu dont il ne connaît absolument pas les codes. Il faut dire que l'arrivée en France ne se présente pas sous les meilleurs auspices, il suffit de voir l'accueil réservé à Jacob quand il arrive à l'école. L'instituteur a des réflexion très désagréables qui sont totalement inadmissibles. C'est un choc pour Jacob, et on le comprend parfaitement.

Que dire à un petit garçon qui se retrouve à Paris, enfermé dans un appartement, avec du bruit, la pollution, le monde et le froid quand l'hiver arrive. Les shabbat ne sont plus les mêmes qu'au Maroc, la solidarité est inexistante, les portes sont fermées, la vie semble plus dure puis il faut bien avouer que les juifs qui arrivent des pays du Magreb ne sont pas véritablement les bienvenus en France, même s'il ne faut pas généraliser. C'est un peu un choc des cultures, Jacob déprime et n'a qu'une seule envie, retourner dans sa maison de Safi et retrouver son ami Brahim, son meilleur ami, celui qu'il n'oubliera jamais.

L'autrice nous informe que cette histoire est un mélange de fiction et de réel. Effectivement il y a beaucoup de petits Jacob qui, après la guerre des six jours, ont été obligés de quitter, le Maroc, la Tunisie, l'Algérie et bien d'autres pays arabes. Pour certains, leurs familles y vivaient depuis plusieurs générations et ils ne s'étaient jamais posés la question de religion. Ils vivaient en bonne harmonie, au Maroc peut-être mieux qu'ailleurs. Avec la guerre des six jours tout a basculé et l'exil fut la seule solution pour beaucoup. Mais combien de chagrins et de vies à reconstruire dans la douleur, certains ont mis beaucoup de temps à s'habituer et n'ont jamais oublié le pays où ils sont nés.

J'ai passé un agréable moment avec ce roman dont je me sens proche indirectement puisque mon mari a vécu la même chose que Jacob, sauf qu'il habitait en Tunisie et qu'ils sont partis en catastrophe, laissant tout dans leur fuite. C'est un beau roman, il est lumineux, il nous offre de belles sensations visuelles et olfactives. On se laisse porter et on se prend des uppercuts d'émotions, j'ai vraiment beaucoup aimé.
Lien : https://jaimelivreblog.wordp..
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