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Critique de Nasir10


Peyton Place, un roman-feuilleton ? Une histoire « pleine de rebondissements » et « invraisemblable » (Larousse) ? En apparence, probablement : un récit narré sous une plume banale, et évoluant au rythme du quotidien d'une petite ville américaine, avec ses secrets, ses commérages et ses scandales ; le premier roman d'une saga décousue et farcie d'une dizaine de livres — mais dont seuls les deux premiers ont été écrits par Metalious ; une adaptation en feuilleton télévisé à succès, néanmoins radicalement détournée de l'oeuvre originelle et de sa valeur subversive.

En apparence seulement ? On peut tout au moins difficilement reprocher au roman d'asseoir son histoire sur des twists incohérents, alors que le parti narratif de l'autrice nous invite à reconsidérer, au moins partiellement, nos préjugés. En effet, Metalious nous confie l'ordinaire d'une petite ville de la Nouvelle-Angleterre dans les années 30 et 40, au gré d'une narration elle-même marquée par le contraste entre la teneur des événements racontés et la manière dont ils sont racontés : via la force tranquille puisée dans les faits qui se suffisent à eux-mêmes, et sans recours à une surenchère dramatique. Moins un roman-feuilleton donc, Peyton Place est une chronique empreinte d'une forme de « trivialité passive », pleinement inscrite dans le registre du quotidien, à l'image des paradoxes d'une société américaine (mais pas seulement) où les valeurs de bienséance chrétienne ne sont qu'un leurre aux inégalités qui l'animent.

Déjà au 19ème siècle, l'ambiance des petites villes traversait la production littéraire, on pense en France aux oeuvres de Flaubert, Balzac et même Hugo. Si une tradition littéraire fructueuse (certainement alimentée par les écrivains d'outre-Manche et d'outre-Atlantique, mais j'admets connaitre encore très mal la littérature classique anglaise et américaine) précède ainsi le roman de Grace Metalious, ce dernier a sans doute disposé d'une influence présumée dans la création littéraire contemporaine. On pense particulièrement à l'oeuvre de Stephen King et notamment à son roman Salem, qui fut comparé en outre à un mashup entre Dracula de Bram Stocker et Peyton Place, justement pour son intrigue, installée au coeur de la petite ville de Jerusalem's Lot (Salem) dans le Maine — le « maître de l'horreur » étant lui-même natif de cet état de la Nouvelle-Angleterre. Mais à titre de comparaison et afin de justifier de mon appréciation mitigée du roman de 1956, la ville de Salem fait l'objet d'un traitement plus creusé, King s'empare des dynamiques nocives qui régissent cette bourgade fictive pour faire de celle-ci une entité, un personnage à part entière. Inversement, la simplicité narrative de Peyton Place se révèle très vite à double tranchant tant elle limite l'intérêt littéraire du roman, et rend en conclusion sa lecture tout à fait anecdotique.
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