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Critique de Erik35


TOUT LE MONDE DESCEND !

Entre une Aureline plus charismatique, envoûtante, futée et belle que jamais - bien que songeusement solitaire dans les immensités intersidérales de son vaisseau - et un Valérian paumé, s'alcoolisant en terrasse à coups de "blanc-cass" ou de champ' dans des discothèques branchées du Paris des années 80', et qui ne comprend franchement rien à rien au fil de cette aventure, sauf qu'il ne comprend rien à rien, ce qui n'est peut-être pas si mal, ce neuvième opus a tout pour surprendre le lecteur, après huit albums plus "space-opera" les uns que les autres (à l'exception notable du premier).

Pour autant, le génie véritable de Pierre Christin au scénario et de Jean-Claude Mézière (accompagné de sa propre soeur, Evelyne Tranlé, très douée dans les couleurs en demi-teintes subtiles qu'elle a su appliquer à cette série) ne défaille pas une seule seconde, bien au contraire. Car si le premier album de ce qui est un véritable dyptique, composé de "Métro Châtelet - Direction Cassiopée" puis de "Brooklyn Station - Terminus Cosmos" se passent en bonne part sur terre - et pour ce premier à Paris et en France comme vous l'aurez compris - ce n'est pas pour autant un album en deçà des précédents. Mieux : tandis que beaucoup d'auteurs auraient pu commencer à se répéter à l'abord des dix volumes produits - ce qui se sentait d'ailleurs légèrement dans les deux opus précédents -, nos deux français parviennent à imprimer à ce nouvel album un rythme et des atmosphères très différentes et très neuves si l'on considère les titres antérieurs.

Nous retrouvons donc notre agent spatio-temporel à la terrasse d'un de nos bons vieux cafés parisiens des années 80 ' - reconnaissons que Mézière s'en tire splendidement pour transmettre l'ambiance des rues de la capitale de même que celle des anciens faubourgs pas encore totalement recouverts de barres d'immeubles gris. Son trait excepté, on se croirait presque chez Tardi ! -. Celui-ci est, pour tout dire, alcoolisé, perdu (plus que jamais), presque dépressif tandis que Galaxity lui a confié la mission de détruire d'étranges monstres venus des confins de l'univers mais sans qu'on sache encore bien comment ni pourquoi, sauf que cela intéresse de manière un peu trop vive deux géants internationaux de l'industrie. Industrie lourde et à l'ancienne d'un côté, avec la Sté Nelson et Gambler qui promet «Demain l'atome domestique», la W.A.A.M de l'autre eavec ses technologies de pointe porteuses d'avenir. C'est en tout cas ce que découvrira Monsieur Albert, ce nouveau personnage attachant, fin, cultivé et efficace, quoi que peu sportif avec sa cinquantaine, voire soixantaine, imprécises et son goût immodéré pour les profiteroles au chocolat, agent terrien de Galaxity et guide de Valérien dans les méandres de ce vingtième siècle dans lequel notre héros semble parfois perdu. On ne se retrouve pas impunément au beau milieu de ses ancêtres sans en payer le prix.

Dans son éloignement abyssal, c'est toutefois Aureline - une fois n'est pas coutume, mais cela semble devenir tout de même une sacré habitude ! - qui enquête sur diverses planètes plus ou moins ragoûteuses afin de découvrir la raison de ces apparitions. Notons que cette éloignement vaut au lecteur certains des plus beaux portraits vus jusqu'à maintenant de la jeune, charmante et subtile héroïne, dont on constate qu'elle est bien plus que la tête pensante de la série mais, pour ainsi dire, son acteur central, attractif et son réel héros, Valérian ne servant, en bien des situations, que de faire-valoir, sympathique certes mais un peu plat, godiche.

Une belle introduction à cette histoire en deux étapes que cet album. On y retrouvera, une fois encore et sous-jacentes, des thématiques chères aux deux auteurs : une critique virulente à l'égard des religions, ici, celle des malheureux "Zoms" de la spongieuse planète "Zomuk", véritable dépotoirs galactique, ainsi qu'à l'égard de certaines dérives de notre monde moderne : on ne peut évidemment s'empêcher de songer à ces zones mondiales devenues peu à peu les décharges de notre contemporanéité triomphante, peuplées de quasi sous-hommes subsistant comme ils le peuvent de ce qu'ils glanent de nos déchets, mais que l'absence de culture, de connaissances, d'éducation, d'hygiène précipitent dans les bras de religions aussi stupides que monstrueuses pour eux-même et parfois pour autrui.

Les amateurs de "vintage" (pardon, pardon, pardon) se délecteront aussi de cette vision d'une France que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître (et dont les moins de quarante doivent plus ou moins bien se souvenir). Une France encore à cheval entre traditions, tranquillité poussive mais sereine, grisaille assumée et, pour tout dire, un certain "art de vivre", qu'il parait qu'on nous envie encore, et une France futur terrain de jeu des grandes multinationales, un pays qui, pour une part de sa population, ne rêve que d'entrer enfin dans la post-modernité libérale, technologique et consumériste.

Une très belle réussite qui se trouvera parfaitement confirmée dans le second volet.
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