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Critique de Presence


Ce tome comprend les 13 épisodes de la deuxième saison des Ultimates, parus de février 2005 à février 2007. Il vaut mieux avoir lu la première saison avant.

Épisodes 1 à 4 - Tout commence avec une belle ingérence des États-Unis en Irak : Captain America est parachuté à coté d'un site où sont détenus plusieurs otages américains. Un informateur au sein du SHIELD a révélé à la presse la véritable identité du monstre qui a fait plus de 800 victimes en plein coeur de New York dans le tome précédent. Thor s'oppose de plus en plus ouvertement aux actions des Ultimates qu'il a quittés. Nick Fury a résilié le contrat d'Hank Pym qui doit se trouver du travail ailleurs. Qui plus est, Pym ne peut plus utiliser les pouvoirs et le nom de Giant Man qui sont devenus la propriété du gouvernement des États-Unis. Il choisit de répondre à une petite annonce d'un groupe de superhéros en train de se former : les Defenders.

Épisodes 5 à 13 - Ça commence par un carnage : l'élimination méthodique de la famille d'un superhéros par une équipe menée par le traître présent dans l'équipe des Ultimates. Nick Fury se rend sur place pour accélérer l'enquête et découvre rapidement qui menait cette équipe d'assassins. Il décide de mettre un terme immédiatement à la liberté et peut-être à la vie du traître. Quand tout à coup... À mon grand regret, je ne peux pas vous en dire plus car Mark Millar frappe un très grand coup en termes de scénario.

Après une première saison ébouriffante, Mark Millar et Bryan Hitch reviennent pour la suite. C'est toujours un pari risqué et il est évident que la deuxième saison sera jugée à l'aune de la première. Sur le plan des illustrations, il n'y a pas de solution de continuité : Hitch a conservé le même style. Il poursuit dans la veine des illustrations photoréalistes avec un luxe de détails permettant de faire prendre vie à ces personnages costumés. Il accentue notablement l'impression que ces histoires se déroulent dans une réalité très proche de la notre où seuls quelques éléments relèvent de l'anticipation. Au-delà de l'exactitude des éléments militaires (armements et tenues), Hitch déploie une énergie incroyable pour les décors. Il a expliqué par exemple que le quartier dans lequel se promènent Captain America et The Wasp a été dessiné d'après des photos des années 1940 pour capturer l'ambiance particulière de cette époque. Lorsque les Ultimates sont dans une salle de réunion, il est possible de reconnaître la marque des fauteuils; le modèle des téléphones de bureau et les canettes de boissons gazeuses. En Norvège il dessine une scène de foule dans laquelle les fans de Thor sont obligés d'évacuer un bois. Chaque personne porte un vêtement d'hiver ressemblant à ce que l'on peut voir dans la rue à la même saison et tous différents. À aucun moment, il ne néglige les arrières plans qui sont toujours habités par des figurants aux traits distincts ou par un décor spécifique. Chaque personnage est aisément identifiable et a fait l'objet d'une conception graphique réfléchie. Je garde en particulier en mémoire l'étonnante Valkyrie des Defenders, ainsi que Nighthawk et son magnifique costume. Hitch a même insisté pour inclure une case s'étalant sur 8 pages.

Bryan Hitch trouve à chaque fois la mise en scène qui met le mieux en valeur les personnages ou l'action en fonction du scénario. La détresse de Thor emprisonné dans les geôles de Triskelion transparaît sur visage. Grâce aux expressions faciales assez nuancées, le personnage de Thor devient plus que le simple fanfaron mythomane observé dans les épisodes précédents. le face à face intime entre Steve Rogers et Janet Pym transmet le malaise qui existe entre eux. La scène dans laquelle Steve se confie à son meilleur ami touche le lecteur grâce au langage corporel juste et mesuré. Chaque moment d'émotion bénéficie de dessins plus subtils que dans la moyenne des comics. Et puis il y a tous les passages où ça pète de partout. L'approche photoréaliste de Hitch permet au lecteur de réaliser pleinement l'impact des superpouvoirs sur un environnement facilement assimilable au sien. À la fin de l'entretien entre Janet et Steve, ce dernier saute par-dessus la balustrade du balcon pour s'élancer d'un toit à l'autre. Dans une case, seules figurent le bas de ses bottes de combat. Les lacets sont correctement représentés et l'absorption du choc résultant du saut se répercute sur la pliure des pieds.

Pour les épisodes 1 à 4, Millar se trouve dans une position plus délicate. Cette partie ne sert qu'à écarter Hulk pour qu'il puisse bénéficier de son propre titre. Millar est déjà pris au piège de la continuité et de l'univers partagé. Il doit libérer le personnage pour qu'il puisse apparaître dans sa propre minisérie. du coup, le lecteur ne peut que constater que le scénario retombe dans les clichés habituels des superhéros : aucune mort n'est définitive et l'évolution d'un personnage est compromise par la volonté de l'entreprise propriétaire des droits d'en tirer toujours plus de revenus. Aussi agaçant, les épisodes 3 & 4 consacrés à Thor restent sur le statu quo, ils ne font rien évoluer. Là encore, j'ai eu l'impression que Millar gardait le mystère du personnage pour consommer plus tard. Iron Man joue les seconds rôles de luxe, sachant que Millar ne peut pas le mettre au premier plan puisqu'il a déjà sa propre série. Avec ce tome Millar retombe dans les mêmes travers que les séries habituelles de superhéros : construire une continuité de plus en plus complexe et rester à la surface des personnages en les bridant dans leurs évolutions potentielles.

Pour les épisodes 5 à 13, je ne sais pas ce que Millar avait mangé avant de se lancer dans cette partie de l'histoire, mais ça lui a réussi. À chaque moment, l'empathie pour les personnages fonctionne à plein. Steve Rogers reste un individu avec de fortes convictions et des valeurs morales qui sans être obsolètes, sont très conservatrices et d'une autre époque. Mark Millar est vraiment l'un des rares scénaristes à savoir montrer Steve Rogers sous un jour cohérent et complexe. Les convictions de Rogers ne se limitent pas à une idée de la justice ; en tant qu'individu il est convaincu du bien-fondé de l'idée que les États-Unis doivent être la police du monde. Et Millar ne se prive pas de montrer les conséquences de cette politique interventionniste. En scénariste roublard, il joue sur les 2 tableaux : les grands méchants impérialistes, et la seule nation qui ose intervenir militairement pour limiter les atrocités. Hank Pym reste l'individu que le lecteur déteste tout en ne pouvant s'empêcher d'apprécier sa rouerie et son opportunisme. Millar insère également des moments aussi brefs que révélateurs pour donner plus d'épaisseur à Nick Fury (le moment où il tient la main d'une dame), à Clint Barton (qui reste crédible malgré son arme), à Thor, à Tony Stark (impressionnant dans son destin tragique lié à sa maladie), etc. Seules les possibilités entrevues pour Janet Pym dans la première saison ne sont pas exploitées. Ces moments sont brefs parce que la priorité est à l'action spectaculaire, et là aussi Millar et Hitch offrent au lecteur un récit qui tient toutes ses promesses, et même plus.

Après un début un peu trop destiné à faire fructifier les propriétés de l'éditeur Marvel, Mark Millar et Bryan Hitch développent une histoire haletante, provocatrice, avec des personnages attachants du fait de leurs contradictions. le spectacle est total, le plaisir est total.
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