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Critique de Kirzy


Kirzy
17 février 2019
« Ce qui se disait : elle était venue à Qaanaq dans une embarcation que tirait une orque harnachée à la manière d'un cheval. Dans ces récits qui, dans les jours et les semaines qui suivirent son arrivée, se firent de plus en riches d'incroyables détails, l'ours blanc cheminait à son côté sur le pont du bateau éclaboussé de sang. Le visage de la femme était tendu, furieux. Elle portait une armure de combat constituée d'épaisses feuilles de plastique et de récupération. (...) Les doigts de la femme se déplaçaient, nerveux, agiles, le long de la hampe de sa lance sculptée dans une défense de morse. Venue à Qanaaq pour accomplir un effroyable crime, elle brûlait de passer à l'acte. »

Ce sont les premières phrases. Percutantes, cinématographiques, énigmatiques avec ce souffle épique qui emporte illico. Tout le scénario tourne autour d'une vengeance familiale. La distribution est soignée autour Masaaraq, la mystérieuse guerrière de l'incipit, qui ne réapparait qu'à mi-livre, très habilement alors que plane son aura.

Ce qui est incroyablement réussi ( surtout pour moi qui ne suis pas une lectrice experte de SF ), c'est son worldbuilding d'une grande inventivité. Tu es plongé dans un monde post – apocalyptique qui reprend les codes du cyber-punk qui se dévoile petit à petit jusqu'à immersion totale : Qanaaq, une cité flottante privée, contrôlée par de riches actionnaires, où s'est réfugiée une humanité migrante suite à la dévastation du monde par des catastrophes écologiques. Tout est plausible, intelligent et cohérent tant tout semble possible, pas de cyborgs ou de délires futuristes, oui le monde actuel en pleine décadence pourrait donner ça. Ce roman pousse à la réflexion sur notre monde contemporain avec beaucoup d'intelligence et de lucidité, ça en fait un roman politique fort.

Du coup l'auteur aborde un nombre fou de thèmes très contemporains qui font forcément écho, peut-être trop, certains auraient mérité plus de profondeur, mais qu'importe, on y croit : changement climatique, sort des migrants, lutte des classes, machinations politiques des méga-riches capitalistes pour conserver et accroître leur domination, homosexualité , révolte, violences ...

Il y a de superbes idées comme cette maladie des failles, proche du sida car sexuellement transmissible, qui transmet à son porteur les souvenirs de la personne qui l'a contaminée, eux-mêmes enrichis des souvenirs du contaminateur précédent en une chaîne vertigineuse. Comme le personnage de Maasaraq l'orcamancienne, issue d'une tribu qui a subi un génocide après avoir été utilisée pour des expériences médicales qui a nanolié ses membres à des animaux, ce qui en fait des êtres plus complètement humains mais hybrides. Comme ce podcast «  La ville sans plan »qui ponctue le roman avec ses allures prophétiques très poétiques.

Le point faible est sans doute les facilités scénaristiques pour rassembler les personnages principaux dans une même quête, adversaires ou alliés. L'auteur abuse de raccourcis et « hasards » un peu trop nombreux pour être réalistes. Il a également tendance à vouloir rendre la lecture plus complexe qu'elle ne devrait : il faut être très concentré pour ne pas se perdre dans les relations entre les personnages dans Qanaaq alors qu'au final, elles se révèlent très simples.
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