AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de morganex


La Terre, la notre, celle fragile et trop exploitée, dans un très proche avenir.

Les dérèglements climatiques, imposés à notre monde physique en une cohorte sans fin de phénomènes devenus incontrôlables, ont conduit à une montée des eaux au-delà de la plus pessimiste des prévisions.

S'en suit un brassage migratoire des populations à la recherche des zones de survie qui restent ou qu'il faut créer.

Seules les hautes terres de jadis subsistent hors des eaux, y survit dans le luxe la frange migratoire aisée d'une humanité à la dérive. Elle a su aménager dans le luxe son nouveau présent.
L'alternative de survie du reste de l'humanité est la surface de l'eau elle-même. S'y construisent peu à peu des plates-formes flottantes, privées et immenses. Quaanaaq est de celles-ci, non loin du Groenland. Blade Runner le film, de part sa vision de la ville: tentaculaire, froide et obscure, brumeuse et inhumaine, n'est pas loin (on y vend à l'identique des bols de nouilles chaudes dans des échoppes miséreuses).
Le parc immobilier locatif privé y est source de gains énormes. Une caste, celle des Propriétaires, se greffe sur cette manne financière. Elle gère la pénurie via une politique d'appartements vides, impose des loyers prohibitifs accessibles aux seuls plus riches migrants, laisse les autres à la rue, à la mendicité, à la violence mafieuse ... et à la mort dans le froid glacial.

Les Grimpeurs, un groupuscule d'acrobates urbains, usent de leur agilité à l'escalade, tels des Yamakasi. Ils hantent à mains nues les vieux containers maritimes, rouillés et empilés au hasard dans les quartiers miséreux; les façades vertigineuses des buildings des quartiers luxueux et les hauteurs de la Tour du Placard (lieu d'isolement forcé des décastés que la cité génère immanquablement).

Quaanaaq n'a plus de pouvoir politique central conduit par des humains, la gestion en est déléguée à une entité informatique sans âme, à une nuée de logiciels, de bots,d'instruments virtuels ... etc. L'idée originelle était de rejeter les opportunistes politiques véreux .... si ce n'est que les algorithmes sont manipulables et que les malwares (et autres nuisances) peuvent prendre l'aspect de la légalité .

Les Failles: maladie létale à court terme, sexuellement transmissible. La victime est contaminée par un porteur qui lui-même le fut par un autre...etc. Les signes cliniques: le patient voit sa personnalité et ses souvenirs squattés par celles et ceux qui l'infectent. Il y a superposition des passés, des modes de pensée, des réflexions ..etc. Poly-schizophrénique, la victime meurt au coeur d'une position psychique intenable. le SIDA, autre thème d'actualité pris en compte, n'est pas loin.

Les "nano-liés": membres d'une tribu presque disparue, fruit d'expérimentations médicales, se "nanolient" à des animaux. Chaque individu, à l'occasion d'une cérémonie rituelle, entre en symbiose presque totale avec l'animal de son choix: orque, singe, ours polaire, oiseau ... etc

Et c'est avec eux que je reviens au prologue de l'ouvrage:
" Ce qui se disait : elle était venue à Qaanaaq dans une embarcation que tirait une orque harnachée à la manière d'un cheval. Dans ces récits qui, dans les jours et les semaines qui suivirent son arrivée, se firent de plus en plus riches d'incroyables détails, l'ours blanc cheminait à son côté sur le pont du bateau éclaboussé de sang ...[ ] ... Qu'elles que soient ses intentions envers Qaanaaq, l'expression de son visage ne permettait pas de deviner si ses desseins étaient funestes, ou magnifiques, ou les deux."

Une vengeance familiale se prépare. La suite appartient au récit...

Ce que j'en pense:

Quaanaaq est la star incontestable du roman. C'est une des brillantes trouvailles de l'auteur, à l'égal de celle des Failles et des Nanoliés. Chapeau à l'auteur au lu de cet aspect-là. Il y a tout du long de l'ouvrage un bourgeonnement inattendu de belles perles inventives. Elles foisonnent; mais seulement entrevues et trop ponctuellement exploitées, elles se noient hélas dans la masse. J'ai, en cours de lecture, apporté une attention égale à chacune d'entre-elles, certaines se révélèrent être des détails, d'autres des éléments primordiaux. Difficile de faire le tri des informations reçues. le background est foisonnant, complexe et cohérent, trop complexe ou trop tard emmené à sa pleine et entière compréhension.
Et c'est dommage tant le monde décrit est alléchant au coeur d'une lecture où je me suis un peu perdu.

Les évènements s'accélèrent à mi-parcours, imbriquent les unes dans les autres les pièces du puzzle humain qu'est le destin étonnant, et prenant, des "nanoliés" au sein de ce monde apocalyptique.

L'auteur se pose en activiste social réfléchi, impliqué dans l'écologie, les problèmes migratoires, le quart-monde ... et maints domaines tatoués dans l'actualité immédiate. Il nous sert une réflexion vertigineuse sur ce qui nous attend si, toujours debout sur les freins, nous ne réagissons pas MAINTENANT.

PS:Lecture bouclée, je me pose une question étrange: j'ai désormais toutes les clés du récit en tête, le relire s'imposerait presque de manière à apprécier pleinement tous les détails dont il foisonne, les ayant désormais hiérarchisés dans leurs importances respectives. Et en ce sens, au fil du temps, de son lectorat: "La cité de l'orque" risque de devenir culte.

A noter qu'une nouvelle gratuite, issue du même monde, est accessible en version numérique sur le Net via le site de l'éditeur.

Merci à Albin Michel Imaginaire, Babelio et Masse critique.

Ps: une mention spéciale à l'illustration de couverture que je trouve particulièrement belle et en parfaite adéquation avec le récit.
Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          183



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}