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Critique de NMTB


NMTB
20 décembre 2014
Au début (finissons-en tout de suite avec les griefs), j'ai eu un peu de difficulté à entrer dans cet univers, car je n'ai pas bien saisi, à la première lecture, où voulait en venir l'auteur dans la nouvelle qui ouvre ce recueil. Et quand, dès la page 43, je suis tombé sur ça : « Ce n'était pas tant que je me sentisse gêné par la présence d'Alice mais j'ignorais pour lui dire quoi j'avais parcouru tout ce chemin », une phrase qu'on dirait tout droit sortie d'un logiciel de traduction sur internet, j'ai arrêté de lire et commencé à chercher la faute. Heureusement, tout s'est arrangé par la suite. le fantastique et l'enfance tiennent une place importante dans ces nouvelles. L'ambiance est celle d'une nuit au clair de lune pendant les vacances d'été ; longues vacances, parfois ennuyeuses, mais où l'imagination est libérée. Les contes, les légendes, les histoires de pirates et de sorcières, tout ce qui fait l'imaginaire enfantin vient se mêler à la réalité. Une enfance teintée de nostalgie, faite d'automates, de maquettes, de maisons de poupées, de cirques ambulants, de fêtes foraines ou de parcs d'attractions. Imaginez un enfant le nez collé à une vitrine de noël et vous aurez une idée du fantastique dont use Steven Millhauser dans ses nouvelles. Cependant, on n'est pas non plus dans le monde de oui-oui. Ces histoires sont bien ancrées dans le réel. le merveilleux n'apparait que par petites touches et, surtout, semble tout à fait normal. Les tapis-volants ne sont pas plus extraordinaires que des skate-boards et un homme ne s'étonnera pas outre-mesure que la femme de son meilleur ami se révèle être une grenouille. Mais quand on rêve, tout se mélange, n'est-ce pas ? Des petits bouts de réalités s'amalgament dans un grand désordre, des choses incroyables se passent, on glisse peu à peu de situations normales à des évènements grotesques et tout ça ne choque pas. On y est, on est enchanté, on a peur, on le vit. Et on est bien là, avec les nouvelles de Millhauser, dans ce monde du rêve. Plus précisément dans un songe éveillé, dans cet intervalle où la sonnerie du réveil surgira dans le rêve comme l'alarme d'un incendie, ce moment où, finalement, on hésite à sortir du sommeil. On est dans l'entre-deux, comme le passager d'un ballon dans le bleu du ciel qui hésite entre une réalité d'en bas, guerrière et absurde, et les hauteurs stratosphériques où souffle l'esprit glacial de l'indifférence. Deux nouvelles m'ont particulièrement plu. La première est cette fuite en ballon, d'environ cinq heures, au-dessus de Paris en 1870. Les paysages sont décrits d'une manière impressionniste et on ressent bien cette hésitation entre le réel et l'idéal. La seconde est l'histoire d'un créateur d'automates, sorte de fable sur l'art transposée dans une Allemagne romantique avec la gloire et la décadence d'un génie, mystérieux et solitaire, pourvu de tout l'imaginaire romantique. On y trouve ce genre de phrases : « Une beauté sombre et dérangeante, pareille à un lever de soleil noir, vient d'entrer dans nos vies. Mourant d'une soif que nous ne savions pas éprouver, nous nous abreuvons aux eaux nécessaires et torturantes de fontaines fictives. » C'est beau comme un poème de Novalis ! Ce livre a été publié aux Etats-Unis en 1998. le monde a énormément changé depuis. Millhauser rêvait de grands magasins avec des rayons remplisde grottes, de rivières et de Colysées. A l'heure où l'on construit des iles artificielles pour touristes, des répliques du Louvre et des stades de foot climatisés en plein désert, le rêve se transforme, encore une fois, en réalité. La question que pose Millhauser est simple : jusqu'où sommes-nous capable d'aller dans notre soif insatiable de rêves ? Jusqu'au cauchemar et à l'autodestruction ? Tous les lecteurs assidus de fictions devraient aimer le lanceur de couteaux, en comprendre les enjeux. Quand on ouvre un livre de fiction, on le fait comme on irait à la représentation d'un lanceur de couteaux, on veut d'abord que l'écrivain nous offre un spectacle, nous en mette plein les yeux, nous fasse rêver. Mais ce que demandera un lecteur quelque peu bizarre au véritable artiste, c'est d'être sa cible, que ses paroles le marque au couteau, le blesse, ouvre une fêlure encore inconnue. Au final, j'ai adoré l'univers de Millhauser, ce prolongement du rêve dans la réalité qui ouvre tout un tas de perspectives et d'interprétations.
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