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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs, de 46 pages, dont le tome 2 n'est jamais sorti. Elle a été initialement publiée en 2006, coécrites par Pat Mills & Biljana Ruzicanin, dessinée et mise en couleurs par Cinzia di Felice, et traduite par François Peneaud.

Au moyen âge, dans un monastère en Écosse, le jeune frère Eamon est l'un des copistes attelés à la tâche de calligraphier des livres. La salle est surveillée par frère Salomon. L'esprit de frère Eanon divague. Il rêvasse à une ancienne princesse égyptienne, appelée Bi-Ankh-A, fille du pharaon Akhenaton et de la reine Néfertiti, la plus belle femme du monde. Il pense au fait qu'après bien des aventures, elle a amené en Écosse la Pierre de la Destinée. Il se rappelle qu'elle était aussi connue sous le nom de Scota et que les chroniques affirment que l'Écosse fut nommée d'après elle. Mais il se fait surprendre dans sa rêverie par frère Salomon qui l'envoie prendre une douche froide (enfin surtout un seau d'eau glacé) et revêtir une haire, puis aller prier devant une statue de la Vierge. Durant la nuit, Eanon est visité par Biankha qui propose lui de raconter son histoire.

En 1338 avant notre ère, Biankha et son amie Téphie doivent se rendre dans la salle d'audience, car Néfertiti s'apprête à recevoir un dignitaire scythe et son armée. Alors que Téphie vient de sortir de la chambre de Biankha, celle-ci est emmené par la déesse Thouéris dans le royaume des dieux, pour voir le coeur de son père pesé dans la balance d'Anubis. Elle revient dans la chambre d'audience, juste à temps pour l'arrivée du barbare scythe qu'elle remet à sa place avec un coup bien placé. Elle peut enfin aller avertir son père du courroux des dieux, parce qu'il continue à vénérer l'Aton (un dieu unique) en lieu et place d'Osiris et des autres.

Pat Mills est un scénariste très prolifique en Angleterre, auteur de séries comme La grande guerre de Charlie (10 tomes avec Joe Colquhoun), Sláine, ABC Warriors, Marshal Law (avec Kevin O'Neill), ou encore Savage (avec Charlie Adlard). En 1995, il a commencé à travailler pour le marché français avec la série Sha (avec Olivier Ledroit), puis avec d'autres séries originales comme Requiem, chevalier vampire. En 2005, il lance une autre série spécifique au marché français : Broz (2 tomes avec Ardian Smith). Puis arrive Biankha qui n'aura droit qu'à un seul tome.

En ouvrant ce tome, le lecteur a donc conscience qu'il s'agit avant tout d'une curiosité. Il en a la confirmation quand il découvre sur la page de titre (après la couverture) que Pat Mills est associé à un coscénariste (Biljana Ruzicanin) qui n'est même pas mentionné sur la couverture. Cinzia di Felice est un dessinateur qui a réalisé d'autres bandes dessinées, comme par exemple La fontaine dans le ciel. L'ouverture décontenance le lecteur qui ne s'attendait pas à commencer en Écosse. Il est possible d'y voir un clin d'oeil malicieux de Pat Mills, pour accrocher d'éventuels lecteurs anglais à l'occasion d'une possible traduction en anglais. Ce jeune moinillon Eanon ne reviendra que le temps d'une page (page 25), tout le reste du récit étant consacré à la vie de Biankha, sachant qu'elle est présente dans toutes les scènes. Très vite, le lecteur découvre qu'il s'agit d'une aventure durant l'Égypte antique, mettant en scène un trio de jeunes amis : Biankha, son amie Téphie, et Armée (c'est son prénom) le scythe. Pharaon va à la rencontre de son sort, et le trio se retrouve à chercher un mystérieux magicien dénommé Androgyne, devant leur donner des indications sur la route à prendre.

Comme attendu dans ce genre de récit, le trio est plus ou moins bien assorti, et se chamaille, en se lançant quelques piques, tout en se défendant les uns les autres quand le danger apparaît. Armée fait preuve d'une grande habileté à l'épée, mais Biankha ne s'en laisse pas conter et elle arrive très bien à se défendre par elle-même, une véritable héroïne, et pas un faire-valoir déguisé. Dans un premier temps, le lecteur découvre une partie du panthéon des dieux égyptiens (lors de la pesée du coeur d'Akhenaton), et 2 zones du palais de Pharaon. Dans la deuxième moitié de l'aventure, le trio se retrouve en Crète en 1336 avant notre ère, à la recherche de l'Androgyne, à se battre contre des créatures surnaturelles comme les Chutistes ou les Dracos. Il s'agit d'une forme d'aventure plus classique, qui malheureusement se termine sur un moment dont le suspense ne sera jamais résolu.

À l'issue de ces 46 pages, le lecteur se dit qu'il a eu droit une aventure assez dense (même si inachevée), avec quelques éléments originaux. Il y a bien sûr l'idée de départ de lier le destin de cette princesse égyptienne à l'histoire de l'Écosse, avec la mention du nom de Scota. Il y a la mention d'Akhenaton, le dixième pharaon de la dix-huitième dynastie, et sa volonté d'imposer Rê-Horakhty comme dieu unique, d'initier un mouvement d'évolution théologique. le lecteur peut être sensible à ce choix historique, mais il peut aussi tiquer quand Aton évoque le pouvoir de ceux aux nombreux angles, semblant indiquer que si elle avait continué, cette série aurait été piocher une partie de son inspiration du côté d'Howard Phillips Lovecraft. Biankha ne se contente pas d'en appeler aux principaux dieux du panthéon égyptien, les auteurs ont pris soin d'aller chercher un peu plus loin que l'évidence avec Atoum, Shou, Tefnout, Geb, ou encore Nephtys.

Au détour d'une scène, les auteurs évoquent le sort d'une réfugiée, sans complaisance ni simplisme. Enfin, le lecteur est assez sensible aux efforts déployés pour établir une héroïne forte et intelligente, sans succomber à la tentation d'en faire une victime. L'on voit bien également que l'artiste se retient (de manière assez convaincante) de trop sexualiser Biankha. La couverture donne une bonne idée de la tenue qu'elle porte au long de ce tome : une longue tunique de lin blanc qui lui découvre les épaules, avec un décolleté plongeant. Dans les pages intérieures, ses bracelets sont moins ouvragés et moins nombreux et sa chevelure n'est pas toujours parée d'ornements si complexes. Sa tunique n'est pas transparente et elle descend plus bas sur les hanches qu'elle ne le fait sur la couverture. Sa poitrine est de taille normale pour une jeune femme de cet âge et de cette corpulence. Téphie est majoritairement vêtue d'un bikini, avec un pagne ensuite qui dévoile beaucoup plus de peau que Biankha. Néanmoins la sexualité n'est évoquée qu'une seule fois, quand Armée souhaite lutiner Téphie, mais sans nudité.

L'artiste se sert de la mise en couleurs bien évidement pour rendre compte des couleurs de chaque élément, mais aussi pour leur ajouter un peu de volume, avec un effet discret de coup de pinceau, sans pour autant chercher à donner une impression de peinture à grand trait. Les personnages ont une morphologie à peu près normale, à l'exception de la musculature sculptée d'Armée. Les vêtements s'inspirent de ce que l'on sait des 2 époques concernées. Il adopte une mise en page d'une densité variable de 4 à 16 cases, en fonction du rythme qu'il souhaite donner à la lecture, et de la quantité d'informations visuelles que requiert le scénario.

L'artiste privilégie les prises de vue majoritairement centrées sur les personnages, mais ce n'est pas pour autant qu'il s'affranchit de dessiner les arrière-plans. Dans la séquence d'ouverture, le lecteur peut contempler le sol en pierre du scriptorium, les pupitres et les chaises ou tabourets des moines copistes, les fenêtres étroites et les rayonnages chargés d'ouvrages. La chambre de la princesse est richement décorée, avec des motifs peints sur les murs, des moulures, des voilages, un coffre en osier finement ouvragé une coupelle de fruit, une coupe de fleurs. le hall des dieux bénéficie d'une architecture spécifique avec d'imposants piliers et bien sûr des hiéroglyphes sur les murs. La taverne en Crète est correctement meublée, même s'il n'y a pas beaucoup de détails. Les navires égyptiens sont superbes. Cinzia di Felice utilise donc une approche descriptive, avec un bon niveau de détails. Les séquences d'action sont pleines de mouvement, entraînant l'oeil du lecteur dans un rythme soutenu et plein de rebondissements.

Ce premier tome laisse un goût d'inachevé et rétrospectivement n'est susceptible d'intéresser que les lecteurs complétistes admirant l'oeuvre de Pat Mills ou de Cinzia di Felice. Cette aventure se laisse lire avec un certain plaisir, mais s'achève sans avoir réalisé son potentiel. Les auteurs introduisent et développent une situation intrigante devant mener à terme jusqu'en Écosse. Malheureusement, le manque d'intérêt pour cet série a conduit à son arrêt prématuré, sans espoir de reprise.
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