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Critique de pompimpon


Prenez un week-end de thérapie de groupe organisé au coeur de Varsovie, malencontreusement interrompu par la mort de l'un des participants, une broche à rôtir flanquée dans l'oeil.
Prenez donc quatre suspects potentiels, les trois autres participants et le thérapeute.
Ajoutez un flic russe amateur de blagues lourdes, mais lourdes… et vous comprendrez que ce dimanche 5 juin 2005, le procureur Teodore Szacki se soit senti plus encore que d'habitude fatigué, découragé, écoeuré par le manque de reconnaissance et d'avenir radieux.

En Pologne, les procureurs sont mal payés mais ils doivent mener les enquêtes eux-mêmes pour les affaires importantes.
Donc Szacki s'y colle.
Il s'y colle d'autant plus que ça peut lui éviter de devoir donner un coup de main à des collègues pour boucler un dossier de trafic de stupéfiants.

Il n'est pas bon collègue, pas spécialement sympa non plus, il se sait beau, élégant (ou soigné, selon la personne qui parle…), il excelle dans son travail, il roule en Citroën V6, il en a marre de son mariage qui pourtant tourne bien, et commence à ressentir les effets d'une crise de la quarantaine à 35 ans.
De plus, il ne croise pas une femme sans se dire qu'elle est belle, très belle, ou moche, très moche, ou pas à son goût, ou à son goût mais, ou trop, ou pas assez, et c'est sa supérieure qui en prend le plus pour son grade dans ces pages.
Elle est sensible au charme de son procureur, qui la trouve très laide et craint manifestement qu'elle ne se déclare.

Bref, ce n'est pas le genre de type dont j'accrocherais la photo au-dessus de mon lit.

J'ai passé près de cent pages à le trouver imbu de lui-même, envieux et geignard, et à ramer sur cette enquête que je voyais aller mollement dans le mur.

Et puis, ça a commencé à m'accrocher davantage.

Pourquoi ?
Oh, pas pour cette vision de la thérapie des constellations familiales que je trouve assez outrancière, bien que les références à Bert Hellinger qui en a posé les bases ne manquent pas. Pas non plus pour l'humour très potache du flic russe, bien sympathique pourtant. Ni pour les questions existentielles du procureur à propos de son couple et du fait qu'il pense n'avoir pas assez profité de la vie. Et moins encore pour l'enquête en elle-même, qui piétine, piétine, piétine.

Alors quoi ?

Alors Varsovie respire à chaque page ou presque, Varsovie détruite à 84% durant la Seconde Guerre mondiale, le phoenix relevé de ses cendres à coups de restaurations à l'identique télescopant de purs produits de l'architecture stalinienne, et des quartiers périphériques devenus tentaculaires.
Impossible de m'en faire une idée claire, mais j'y ai suivi le procureur Szacki sans rechigner, cherchant tout de même à imaginer les lieux.

Et puis le passé de la Pologne, qui ne passe pas davantage là qu'ailleurs, ressurgit comme une remontée d'égout après un gros orage.
Toute une population surveillée, aux aguets, pendant des dizaines d'années, les mouchards, les agents, les tortionnaires en son coeur… On a beau croire le contraire, on ne change pas une équipe qui gagne.

L'ère soviétique, la loi martiale de 1981 pour faire taire les vélléités d'indépendance vis-à-vis du grand frère russe portées par Solidarność ont laissé des traces indélébiles, les conséquences de l'ouverture-à-l'économie-de-marché pour ceux qu'elle laisse de côté aussi.

Szacki s'y cogne fatalement, la lourdeur toute administrative de son travail la lui rappelle régulièrement.
Cet aspect-là également m'a beaucoup intéressée, ce qu'est le quotidien d'un procureur à Varsovie, quelles décisions il peut prendre, comment, quelles latitudes il peut avoir, quels cas lui sont soumis.

Szacki doit régulièrement passer par la case "bureau de Janina Chorko, procureur de la République rattachée au tribunal de grande instance de Varsovie-Centre", sa directrice. Ces entrevues donnent lieu à des conversations très instructives sur le poste de procureur, la loi, le fonctionnement, la société et les dirigeants polonais.

Enfin, chaque journée commence par un résumé de l'actualité, Varsovie en 2005 comme si vous y étiez.
C'est très malin pour plonger davantage dans cet univers et cette ambiance.

Pour ces raisons-là bien plus que pour l'enquête qui s'enlise avant de rebondir sur un indice capilotracté en diable qui emmène à sa conclusion logique à plusieurs rebondissements obligatoires, bien plus que pour la personnalité de Teodore Szacki, je vais m'attaquer prochainement à la suite de ces Impliqués.
Pologne, quand tu nous tiens !
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