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Critique de hervethro


Ce livre est une boucherie. Entendons nous bien : je ne parle pas de la tuerie organisée qui s'est déroulée au printemps 1917 quelque part dans le nord, du côté de Reims où quelques généraux en mal de gloire ont envoyé plus de cent mille poilus à une mort certaine - et prévue : l'état major allemand étant parfaitement au courant de l'attaque d'envergure devant mettre un terme à une guerre de position qui commençait à gangrener le moral même de toute la population.
Ce livre est une boucherie parce qu'il se contente de décrire avec précision, quasiment exhaustivement, les forces en présence et le déroulement des batailles.
Une boucherie : on peut évoquer le carrelage rutilant, la vitrine impeccable, les pièces de viande, d'un rosé appétissant, parfaitement disposées de façon à les rendre alléchantes, organisées par taille, aspect. On peut s'attarder sur l'éclairage clinquant, la propreté irréprochable des lieux, le sourire de la vendeuse et son chignon parfait, le tablier immaculé du boucher rebondi sur un ventre proéminent (sa meilleure publicité). On peut décrire les jambons pendus, la charcuterie dans ses détails, les terrines…
Mais on ne peut taire l'envers du décor qui commence, forcément, par l'abattage, puis le découpage, le désossage. le sang giclant, les trippes à l'air, les coups de hache, les estafilades de longs couteaux. Les coulisses.
Pierre Miquel s'entend parfaitement à restituer le dispositif, les forces en présence, il insiste même sur les raisons politiques des nominations, les enjeux de pouvoir, jeux d'influence, vanités ex exacerbées, rancoeurs contenues. Tout cela est parfaitement expliqué, disséqué, précisé. Il jongle avec les armées, les bataillons, les unités, les divisions, les corps, les batteries, les régiments. On se perd dans leurs numérotations, leurs commandements, les lieux des futurs drames, la ligne de front et tous les détails inhérents à un plan de bataille en bonne et due forme.
Les forces en présence, les stratégies invoquées, les tactiques militaires, les plans d'attaque. Toute une théorie qui va s'effondrer en quelques heures à cause du mauvais temps, de la mauvaise préparation de l'artillerie, d'une quasi absence de soutien aérien et de la réponse allemande, implacable. Tel est surpris qui croyait surprendre.
A moins d'être un militaire dans l'âme ou un historien passionné, cette débauche de renseignements passe largement au-dessus de nos couvre-chefs, même si ce ne sont pas des casques d'acier.
Rien ne vibre en nous. On lit ce chemin des dames d'un oeil lointain, sans aucune émotion. Et pourtant !
La guerre, spécialement celle de 14, c'est avant tout de la chair et du sang. Patauger dans la boue, trembler de peur quand ce n'est pas de froid (les averses de neige de succèdent en plein Avril). Ne pas, ne plus dormir. Comment le pourrait-on, du reste ? Rationner le peu qu'on a à manger, rester parfois deux ou jours sans boire. La crasse, l'odeur nauséabonde, les cris, les explosions, le feu de la mitraille, les pluies de terre et d'obus. Devoir vivre pendant des jours comme une bête traquée. Partir à l'assaut sans savoir ce qui se cache derrière le buisson suivant, qui nous attend le fusil à l'épaule derrière un rocher, un pan de mur ?
On aurait aimé plus de chaleur, de larmes, de peur, de découragement, de renoncement peut-être, de la part d'un tel spécialiste (Miquel évoque tout de même les vagues de mutinerie qui ont succédé aux offensives avortées).
Il existe des films, certes romancés, pour montrer ce que fut l'horreur absolue de ces temps que l'on aimerait enterrés définitivement comme leurs acteurs dans les méandres d'une Histoire révolue. Cependant, il n'en est rien. Reste le témoignage. Et le devoir de mémoire.
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