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Critique de Ys


Ys
30 novembre 2016
"L'été, la mode ou le soin de sa santé, qui est aussi une mode, veut que l'on voyage. Quand on est un bourgeois cossu, bien obéissant, respectueux des usages mondains, il faut, à une certaine époque de l'année, quitter ses affaires, ses plaisirs, ses bonnes paresses, ses chères intimités, pour aller, sans trop savoir pourquoi, se plonger dans le grand tout. [...] Donc je voyage, ce qui m'ennuie prodigieusement, et je voyage dans les Pyrénées, ce qui change en torture particulière l'ennui général que j'ai de voyager. Ce que je leur reproche le plus, aux Pyrénées, c'est d'être des montagnes..."
Neurasthénique, vous avez dit ?!

Ironie de la chose, c'était pourtant pour soigner son vague à l'âme que le narrateur était parti là-bas. Installé dans une une ville d'eau très mondaine (quoique parfaitement sinistre) des non moins sinistres montagnes, il passe le temps comme il peut en observant ses congénères. Ceux qu'il ne fait que croiser, ceux qu'il connait hélas beaucoup trop bien, de vagues connaissances, de ces amis que l'on subit sans les aimer, simples bourgeois ou ministres, tous... eh bien sinistres, justement, avec leurs petitesses, leur bêtise crasse, leur fatuité vulgaire, tous symboles écoeurants, grotesques souvent, d'une société corrompue jusqu'à la moelle et confite en mesquinerie. Une société où tout s'achète, à commencer par le respect et les honneurs, et où les pauvres n'ont le droit que de crever sans rien dire.

Même s'ils peuvent être comptés parmi les romans de l'auteur, les 21 jours d'un neurasthénique sont en réalité la compilation d'une cinquantaine d'histoires publiées par Mirbeau dans divers journaux parisiens, cousues entre elles pour former une oeuvre unique. le fil, volontairement assez lâche, en est ce séjour pyrénéen qui fait d'une ville thermale un véritable théâtre où se croisent tous les acteurs, tous les types, tous les vices de la France fin de siècle, où chaque rencontre est l'occasion d'une histoire. Inutile d'y chercher, pour autant, un témoignage réaliste : tous ces récits, ou presque tous, sont excessifs, grotesques, forcés dans le cruel ou dans le ridicule, des caricatures à la manière de Goya ou de Daumier, qui dénoncent moins des individus que l'esprit général de la société, à travers les monstres ou les situations aberrantes qu'elle engendre. La vénalité omniprésente, l'administration homicide, la colonisation meurtrière, l'héroïsme enseigné par les bouchers aux moutons, le populisme impudent, la roublardise érigée au rang de vertu... et là derrière, la férocité naturelle de l'homme, cette bête fauve qui transparaît à chaque instant derrière les faux vernis.
C'est horrible, c'est tragique souvent, mais drôlatique aussi, et d'autant plus puissant. Au mal du siècle, toutes les cures thermales ne feront jamais rien - seule l'écriture est un remède, qui plonge dans le désordre et l'absurdité du monde pour y forger ses propres armes, indispensables à la vie.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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