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Critique de ladymuse


Après "Les Invitées" et "Suzanne ou le Récit de la Honte", ce fut un enchantement pour moi de replonger dans le monde si complexe de Christina Mirjol. Ces petits gouffres que sont les failles de notre enfance séparent douloureusement celle-ci de notre présent à travers l'expression d'une dualité : chaque personnage adulte "convoque" l'enfant. Ce sont des moments "extra-temporels" qui n'appartiennent ni à l'âge adulte ni à l'enfance et qui font jaillir en nous, grâce un profond sentiment d'empathie, un véritable flot de larmes. Empathie, parce la "réalité" qui nous est contée échappe encore à la compréhension de la narratrice de la plupart des nouvelles, et à celle du barman dans le "Le premier prix de poésie", ou du fils dans "Le train d'Akira Kurosawa".

Ainsi, dans "L'anniversaire" la narratrice est double. Ce 14 novembre : "Figurons-nous ces choses d'il y a cinquante ans... et voilà que nous pleurons... Je pleure. Vous pleurez. Et voici qu'elle aussi pleure devant un gâteau....Un simple gâteau d'anniversaire!". Et nous voici tout à coup perdus entre la petite fille de 10 ans, le fils, le petit-fils, et la narratrice devenue "grand-mère". " Elle a dix ans, c'est ma fille, elle est belle, elle a dix ans.... J'ai dix ans. C'est mon anniversaire".

L'écriture de Christina Mirjol est si complexe que le glissement entre l'avant et l'après dix ans est imperceptible. Il est introduit par la balle ("son coeur une balle qui sautille") et par les bonds de cette même balle qu'elle lance --"parce qu'elle était usée. Tu es trop vieille, ma vieille, tu es vieille et usée -- et celle-ci, sans le savoir, roulait dans le jardin comme pour que je l'attrape".
La balle veut jouer quand même (j'ai ri aux éclats!) "Une balle à ce point devenue ennuyeuse! Même le chien s'était plaint!". On ri, on pleure, car l'enfance, comme la balle, "s'enfonçait doucement dans la terre du jardin". Rire, larmes, mais aussi violence de la destruction de l'enfance "Car je serai danseuse, lui lançai-je cruellement en lui tournant le dos".

Et puis le drame, inattendu, le souvenir ineffaçable. "14 novembre, donc, 1954". Ce n'est plus la simple indication d'une date d'anniversaire, mais l'année des dix ans, l'année d'une terrible découverte, de celles qu'il y a dans nos vies, de leurs signes avant-coureurs, si complexes qu'il faut des retours en arrière pour comprendre ce mélange des époques, la mère, la grand-mère de la narratrice devenue grand-mère. Jusqu'à cette pluie finale "sur la petite balle".

J'ai préféré me pencher sur cette nouvelle, plutôt que les effleurer toutes. J'ai quelques préférences, mais toutes sont belles et troublantes et l'on trouve dans chacune une profondeur de pensée peu commune, ainsi qu'une connaissance des humiliations de la vie.

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