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Critique de si-bemol


Pour le commun des mortels, c'est évident, mourir n'est pas facile - quoique inévitable. Mais se donner volontairement la mort peut s'avérer encore plus compliqué : cela suppose une habileté, une technique, en un mot un savoir-faire (à défaut d'un savoir-vivre) qui n'est pas donné à tout le monde et, en l'occurrence, pas à notre héros, Hanio Yamada. Se croyant enfin parvenu en un Paradis rudement gagné, c'est à l'hôpital qu'il se réveille sous le regard réjoui des infirmières et du médecin ravis d'avoir sauvé une vie… Game pas over du tout. Essaye encore !

Qu'est-ce qui a bien pu pousser cet homme ordinaire, “employé honnête et zélé” qui ne souffre de rien, même pas d'un chagrin d'amour, à vouloir se donner la mort ? “S'il devait à tout prix donner une raison à cela, une seule lui venait à l'esprit : il s'était suicidé justement parce qu'il n'avait aucune raison de le faire.” Absurde ? Toujours est-il que, même sans raison apparente, il s'entête et, ma foi, qu'à cela ne tienne : ce que tu n'arrives pas à faire toi-même, fais-le faire par quelqu'un d'autre ! Mais il aura beau mettre sa vie à vendre dans un journal de Tokyo, avant l'heure c'est pas l'heure - comme disait ma grand-mère - et quand ça veut pas… et bien ça veut pas !

S'ensuit une succession vertigineuse de tentatives aussi malencontreuses que piteusement avortées, les cadavres s'accumulent, les victimes s'amoncellent, dommages collatéraux de la maladresse et de la malchance… tandis que notre héros, toujours en pleine forme, contemple sidéré les conséquences calamiteuses de son obsession suicidaire. Comment faire, dès lors, pour mettre un terme à cette spirale infernale ? D'autant que, comme un piège qui se referme peu à peu, la peur de mourir finit par le hanter…

Publié sous forme de feuilleton en 1968 dans les pages de la revue “Shukan Purebôi” (Playboy hebdo) mais inédit en français jusqu'en janvier dernier, "Vie à vendre" est une fantaisie burlesque et totalement déjantée, parodie de roman d'espionnage, de conte gothique et de polar, que Mishima lui-même qualifia de “roman d'aventures psychédélique” où l'on retrouve - avec quel plaisir ! - tout l'art de son auteur : son écriture extrêmement soignée et maîtrisée, son imagination débridée, sa profondeur, son humour et sa sensibilité ainsi que certains des thèmes qui lui furent chers - notamment son obsession et ses rapports ambigus avec la mort, qu'il se donna d'ailleurs deux ans plus tard dans les circonstances que l'on sait.

Un roman follement drôle mais également plus profond qu'il n'y paraît par le regard qu'il porte et les questions qu'il (nous) pose sur le sens et la valeur véritables de la vie, et qui devrait réjouir tous les amateurs d'humour noir - mais pas que. Je me suis, pour ma part, régalée.

[Challenge Multi-Défis 2020]
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