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Critique de Sarindar


Dans Orlan, Safia Moghladj soulève des interrogations de notre temps sous le couvert d'une histoire médiévale.
L'intrigue est donc volontairement assez simple. Nous sommes au XIIème siècle. Nous suivons un homme originaire du royaume de France, qui se nomme Orlan de l'Artois, mais qui a passé des années dans le sud, non pas en Occitanie, mais sur les bords du Rhône, avant que des combattants, zélateurs de la foi catholique, ne commencent à mener la vie dure à ceux qui professent ce que l'on appelle le Catharisme, qui est une forme de christianisme mâtinée de manichéisme en rupture avec le dogme de l'Eglise de Rome et non, comme on l'a longtemps pensé un surgeon du zoroastrisme. Orlan, sans doute pourchassé par les guerriers de la foi, favorables à la doctrine pure et dure du catholicisme le plus intransigeant et qui venus du nord s'intéressent aux terres du Midi toujours bonnes à prendre, va quitter son pays, sillonner la mer Méditerranée, pour finir par échouer, pauvre naufragé retrouvé inconscient sur l'une des îles du Cèdre, dont le roi, intrigué par ce Croisé pas comme les autres, lui fait bon accueil. Sans doute, le monarque des îles pense-t-il que la destination finale de ce curieux pèlerin est la Terre Sainte. Aussi le conduit-t-il en bateau jusque sur le rivage de Palestine, non sans lui poser la question : "Es-tu vraiment un homme de foi ?" Ce à quoi Orlan de répondre : "Je suis bien peu de chose [...]. Je ne suis qu'un troubadour égaré dans un monde corrompu qui ne m'a jamais compris. [...] Condamné à l'exil pour impiété. Mes bourreaux m'appellent L'Hérétique. Je les appelle les cavaliers de l'Apocalypse. [...] Je suis mort quelque part entre Saint-Omer et Montélimar". Nous apprenons aussi que le jeune homme est le fils adultérin d'un moine quelque peu dissipé, et qui n'avait pas de mots assez durs contre l'Eglise et ses enseignements.
Et voici donc Orlan débarqué à Jaffa, dans le royaume de Jérusalem, découvrant des habitus, des coutumes, des costumes, des senteurs, des couleurs, toutes choses inconnues de lui, et tout cela sous un soleil qui inonde tout de sa lumière crue. Il découvre aussi l'hospitalité orientale, qui n'est pas un vain mot et qui va s'exercer généreusement à son endroit au simple prononcé d'un mot : "Shalem", sur la recommandation du roi des îles du Cèdre. Il est aussitôt pris en charge par un homme dont notre ami va découvrir que c'est un savant de haute culture et à l'esprit largement ouvert, prénommé Joachim, Ibrahim ou encore Joïb pour ses connaissances proches. Avec ce docte personnage, les échanges seront profonds, humains, culturels, philosophiques et spirituels. Les deux hommes sont faits pour se comprendre et s'entendre, car ils s'élèvent au-dessus du lot, refusent un Dieu qui enferme ou qui conduit ses fidèles à exclure et à condamner et professent un Dieu qui sait reconnaître en tout homme son enfant, afin que tous ses enfants, à quelque religion qu'ils appartiennent, se reconnaissent comme des frères.
Voici donc Orlan dans cette Terre Sainte, objet de fascination et lieu où les hommes se divisent en invoquant le nom de Dieu. Sera-ce pour lui une terre d'espoir, et le lieu d'un nouveau départ vers une vie nouvelle ?
Il découvre l'amour et un désir troublant, sous les traits d'une belle jeune femme, qui a pour prénom Augustine, et qui danse à merveille en compagnie de son amie, la Tzigane Rosalia.
Il contemple les palais, visite les églises, les synagogues, les mosquées avec Joïb, qui lui sert de guide, qui l'entraîne dans les pas de Jésus, et toujours avec ce dernier à ses côtés, il voit ce qui fait le sel de la vie à Jérusalem, y compris les lieux et les activités qui permettent une bonne et saine distraction. Au grand étonnement de Joïb, Orlan achète sur les marchés des produits qui lui permettent de se rendre utile et de faire plaisir à son hôte en faisant mijoter pour lui de bons petits plats, selon des recettes venues du royaume de France. En sens inverse, les mets propres à l'Orient sont révélés à Orlan, qui semble reprendre goût à la vie, malgré de sombres pensées qui traînent dans un coin de sa tête et qui ne le laissent jamais tout à fait en paix.
Et quelque chose le confirme dans cet état d'esprit et le conforte dans cette inquiétude permanente, c'est qu'il y aussi, dans cette ville de lumière, des personnages qui rôdent et qui ne paraissent pas animés par les meilleures intentions.
J'arrêterai là ma narration pour ne pas déflorer au lecteur la suite de l'histoire et le laisser la découvrir par lui-même.
Mais j'ai relevé au passage que la conteuse Safia Moghladj, qui reste poétesse jusqu'au bout des ongles, arrive à écrire des phrases dont les parties ressemblent quelquefois à des vers, et que son humanisme la conduit à nous donner, tantôt par la bouche de Joïb et tantôt par celle d'Orlan, de véritables enseignements sapientiaux qui donnent un poids particulier à cet ouvrage. Elle montre la soif de pouvoir comme un signe de maladie chez ceux qui veulent l'exercer pour dominer les autres, caricature au passage les travers des petits hommes qui aspirent à commander durement les masses comme s'ils étaient élus par la Providence, condamne les fanatismes "religieux" de tous bords, rappelle que c'est par la connaissance et par l'amour, en suivant le coeur et la raison, que l'homme s'élève vers Dieu, et non en observant ou en imposant des interdits et des commandements, ni moins encore en punissant ou en ôtant la vie à son semblable, à son prochain.
Ce livre se veut porteur d'un message de paix, de justice, de concorde et d'amour entre tous les humains, femmes et hommes, qu'ils soient lecteurs de la Torah, du Nouveau Testament ou du Coran. il vante le comportement de l'être humain honnête et droit, car celui qui est en quête du savoir et de la vérité, mais aussi du Beau, du Bon et du Bien, ne prétend pas les posséder et contraindre les autres à adopter l'idée qu'il s'en fait. Il donne ce qu'il reçoit pour le partager et le transmettre.

François Sarindar
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