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Critique de VingtNeuf


Emiliano Monge aborde un sujet aussi dramatique que méconnu : les séquestrations dont sont victimes les migrants centraméricains traversant le Mexique pour se rendre aux États-Unis. Depuis quelques années, des bandes criminelles se sont spécialisées dans ce type d'enlèvements qui s'accompagnent de violences et de demandes de rançons.

Des témoignages poignants de migrants ayant pu fuir sont insérés dans le roman. Epitafio Lacarota et sa compagne Estela, les chefs d'un de ces bandes de trafiquants d'êtres humains, en sont les protagonistes. de nombreux personnages secondaires, membres de la bande d'Epitafio et d'Estela apparaissent au fil des pages : Sepelio, le père Nicho, Monsieur Hoyo, Mausoleo (l'un des migrants contraint de collaborer avec les ravisseurs), El Topo, El Tampón, Merolico, etc., sans oublier les deux figures énigmatiques des « garçons de la jungle ».

Dès la première page, l'atmosphère est inquiétante, la lecture très éprouvante. En dépit de la présence de quelques toponymes, il n'est pas précisé dans quelle région de Mexique se passe l'action. On ignore où Epitafio et Estela emmènent les migrants qu'ils viennent de séquestrer. Il est en revanche question de la jungle, de la nature hostile, de la chaleur inhumaine, des conditions extrêmes, etc.

Dans ce cadre on ne peut plus menaçant, les migrants subissent toute sorte de violence physique et psychologique. Pour évoquer les souffrances infernales auxquelles sont soumis « ceux qui viennent d'autres patries », l'auteur intègre dans la narration des citations de la Divine comédie de Dante.

Au drame des migrants se superpose l'histoire d'amour entre Epitafio et Estela, ainsi que leurs souvenirs et inquiétudes personnelles.

Las terres dévastées est un roman polyphonique structuré en trois livres et deux intermèdes : le livre d'Epitafio, le livre d'Estela, le livre des garçons de la jungle. Les voix de chacun d'entre eux s'alternent tour à tour, au sein de chacune des parties.

La prose de l'auteur mêle deux registres de langue bien distincts : un style poétique et de nombreux dialogues ou monologues dans un langage cru et toujours agressif. Ces derniers sont tantôt mis en exergue, tantôt intégrés dans la narration sans tirets ni guillemets.

Le thème abordé est l'un des points forts de ce texte. L'auteur considère les migrations comme l'holocauste invisible du XXIe siècle. le roman présente à cet égard une incontestable dimension documentaire.

Emiliano Monge est parvenu à reconstituer l'angoisse et la détresse de ces milliers de personnes qui traversent le Mexique dans l'espoir de se rendre aux États-Unis. Il a recréé l'atmosphère aussi étrange que menaçante que vivent les migrants au moment où ils sont séquestrés et mis à la merci de ces bandes criminelles.

Les effets provoqués par le recours à une prose singulière et soignée sont saisissants, notamment grâce au contraste entre la poésie des descriptions de l'enfer des migrants et la dureté des paroles échangées au sein de la bande.

Si la narration n'est pas dénuée de qualités littéraires, elle manque de rythme. L'intrigue est difficilement saisissable. Au malaise que suscite l'ambiance malsaine, s'ajoute une incompréhension générale et inconfortable. le lecteur éprouve en effet des difficultés à appréhender l'action, l'enchaînement des séquences, les lieux ainsi que les personnages.
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