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Critique de elitiatopia


Avec ce premier roman Les Jeunes filles, je commence ce cycle de quatre livres, autour du personnage principal, Pierre Costals, écrivain dont j'hésite à dire qu'il serait un double ou porte-parole de l'auteur. Les propos sont d'une rare misogynie, mais pourtant dénués de malveillance : le personnage de Costals n'est pas à l'honneur pour autant. le maître mot est "lucidité", et c'est ce qui rend ce roman sympathique, bien que le discours masculiniste y soit résolument de mise. Je ne suis du reste pas surprise, en lisant la biographie de l'auteur.

De quoi est-il question ? L'auteur parisien Pierre Costals entretient deux relations épistolaires dans ce roman avec deux jeunes filles, ou femmes : Thérèse Pantevin et Andrée Hacquebaut ; il passe toutefois la majeure partie de son temps à ne pas répondre à leurs lettres enflammées, et mène ses propres affaires sentimentales, sans se gêner plus que ça. Thérèse n'existe que par les lettres, elle a une nette tendance à une forme de masochisme mystique et Costals l'enjoint de se consacrer à Dieu. Andrée est un peu plus proche de lui, elle vient parfois à Paris et le rencontre, ils ont une relation amicale qu'elle voudrait trouble, alors qu'il s'évertue à lui prouver qu'il ne l'aime pas.

Les personnages féminins sont cliniquement décrits, même si par certains aspects, les émois d'Andrée peuvent être touchants : on sent bien qu'elle s'est trop engagée affectivement dans cette relation pourtant unilatérale pour renoncer, car elle perdrait trop. Quatre ans durant, elle a cherché à le convaincre qu'elle ferait son bonheur, voire qu'il l'aime sans s'en rendre compte, et lui de son côté a tenté de repousser les avances de la jeune femme, principalement parce qu'il ne la trouve pas belle et ne la désire pas.

Le problème moral posé est en soi passionnant : est-il cruel en refusant une liaison qui ne le tente pas, alors même que lorsqu'il essaie d'être le plus clair possible sans la blesser, elle ne veut pas l'entendre, et continue de plus belle à faire le siège, allant jusqu'à s'offrir de façon gênante ? S'il était vraiment un sale type, ne profiterait-il pas d'elle pour la laisser ensuite ? le fait que ces échanges soient évoqués sous forme de lettres, intercalées avec des chapitres narratifs, est divertissant, je me suis laissé prendre à leur histoire, et même si j'avais fortement envie de secouer Andrée, je me suis demandé si elle n'allait pas finir par avoir gain de cause...

Costals montre un autre visage de lui-même lorsqu'il rencontre Solange Dandillot, une jeune fille envers qui il se sent violemment attiré, bien qu'il ne partage rien intellectuellement avec elle, au contraire d'Andrée. Pourtant, ils sont subjugués l'un par l'autre, même s'il garde la main et la contrôle sans vraiment la comprendre ; leurs premiers rendez-vous font des étincelles.

C'est finalement un personnage complexe que Costals, père célibataire, amant épisodique fidèle à ses "amies" et généreux, écrivain qui veut préserver sa paix et sa liberté, mais aussi misanthrope souvent écoeuré par les travers de ses semblables. A travers la quête de jouissance de Costals, mais aussi son observation lucide des caractères qui l'entourent, Montherlant dévoile qu'il est autant romancier que moraliste. C'est finalement un roman d'une forme un peu datée, mais intelligent, souvent drôle car empreint d'un humour caustique, qui me plaît suffisamment pour me tourner vers la suite.
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