Citations sur Les Suprêmes (99)
Nous nous tînmes là toutes les trois, sur la pelouse de Big Earl, nous considérant l'une l'autre; et nous aurions tout aussi bien pu éclater de rire ou pleurer à chaudes larmes. Une émotion qui transcendait les mots circulait entre nous: la certitude de nous trouver précisément là où nous devions être, de ne pouvoir partager avec personne d'autre aussi pleinement cette étrange et belle journée. Nous nous serrâmes l'une contre l'autre, rapprochant nos fronts pour former un triangle compact et intime.
Je lâchai alors ce fil qui me raccrochait au monde. Lorsque les eaux troubles inondèrent mon champ de vision, je ne tentai pas de nager à contre-courant. Je me laissai porter vers la cime de l'arbre, là où maman m'avait mise au monde sur les conseils d'une sorcière, il y a tant d'années.
"Bonjour, mon arbre, mon premier berceau, ma seconde maman, ma force, mon combat. Je rentre à la maison."
"Hé, chéri, tu crois qu'on va se téléporter en 1978 si on baise ensemble ? Je sais qu'elle est magique ma chatte, mais c'est pas une machine à remonter le temps, quand même !"
"Tu as raison Richmond. Tu n'as jamais prétendu être autre chose que l'homme que tu es. Et c'est peut être ce qui me rend le plus triste. J'aurais vraiment dû t'aider à devenir quelqu'un de meilleur. Parce que, mon chéri, l'homme que tu es n'est tout simplement pas à la hauteur."
C'est quand même fabuleux, songa Clarice, comme ce vieux démon qu'est l'amour interdit jaillit toujours comme un beau diable de sa boîte pour faire des siennes au moment où l'on s'y attend le moins.
Un jour en classe, Odette s'était penchée pour offrir un bonbon à Clarice. "C'est la robe la plus moche que j'aie jamais vu", avait déclaré cette dernière.
Odette avait répliqué : "c'est ma grand-mère qui me l'a faite. Elle est très bonne couturière, mais elle est aveugle." Gobant un autre bonbon, elle avait ajouté : "Mais c'est pas celle-là, la plus moche. Je la porterai demain, tu verras."
J'ouvrais la porte du réfrigérateur pour prendre la carafe d'eau et entrepris d'y fourrer la tête. J'y étais enfoncée quasiment jusqu'aux épaules, savourant la température glaciale, lorsque je fus prise d'un fou rire...
On appel miracle ce qui est censé se produire, tout simplement. Soit on suit le mouvement, soit on lui barre la route.
A force de parler avec maman ces derniers mois, j'avais fini par comprendre que la mort n'était pas si définitive que ça. J'avais du chagrin pour James, dont j'allais peut-être briser le cœur - pour mon beau mari balafré qui continuait de me serrer contre lui même si ces jambes devaient depuis belle lurette s'être engourdies sous mon poids. Mes larmes coulaient pour cet homme courageux, qui à ma grande surprise ne sanglota même pas. Pourtant, je savais, après nos quelques décennies de mariage, que son désarroi était immense. Je pleurais car James m'avait laissée être moi-même, sans me forcer à être cette fille intrépide née dans un arbre.
Clarice ne ferait jamais la moindre réflexion à Barbara Jean sur ses habitudes vestimentaires, et nous le savions toutes les deux. De la même manière, Clarice et Barbara Jean ne me diraient jamais en face que j'étais grosse, et nous ne rappellerions jamais à Clarice que son mari se tapait tout ce qui bougeait. Entre Suprêmes, nous nous traitions avec beaucoup de délicatesse. Nous fermions les yeux sur les défauts des autres et faisions preuve de prévenance, même quand cela n'était pas mérité.