Mais elle s'efforçait intérieurement d'appréhender le rôle de prisonnière disculpée qui lui incombait à présent. Que fait-on lorsque la porte de sa cellule s'ouvre soudainement ? Comment accepte-t-on la liberté lorsqu'on ne l'a jamais connue ? Comment se pardonner lorsqu'on a été son propre geôlier pendant trois décennies ?
Je me réveillai en nage ce matin-là.
Je laissai Eleanor Roosevelt de côté, car je savais qu'en mentionnant son nom nous passerions de quelque chose de surnaturel et d'étrange à un truc complètement siphonné.
Cependant, je reste lucide en ce qui me concerne. Je n'ai jamais été intrépide. Si j'ai un tant soit peu cru à cette légende, elle fut balayée le jour où je devins mère à mon tour. Pourtant, chaque fois que la logique me conseillait de partir en courant, j'entendais une petite voix me murmurer à l'oreille : "Tu es née dans un sycomore." Et, grâce à elle, pour le meilleur ou pour le pire, je ne lâchai jamais le morceau...
Si c'était ça avoir une maîtresse – profiter de cadeaux attentionnés et de sexe torride, pour ensuite se retrouver au petit matin sans personne dans les pattes –, Clarice comprenait beaucoup mieux la conduite de Richmond durant toutes ces années.
On appelle miracle ce qui est censé se produire tout simplement. Soit on suit le mouvement, soit on lui barre la route. (Odette, qui rejoint la position de sa mère)
Ce que James a sans aucun doute réussi à démontrer, c'est que les gens se ruent en masse à une fête, même chez une enquiquineuse, tant qu'elle cuisine bien.
Quel beau tableau j'avais eu l'occasion de dessiner - mon homme et mes amis réunis. Ce n'aurait pu être mieux, honnêtement, même si la main qui tenait le pinceau n'était pas très sûre et que certaines couleurs avec le temps avaient un peu passé. Je n'allais pas me soucier d'encadrer mon oeuvre, en tout cas pas pour l'instant. Il me restait encore tant de détails à ajouter. Je te dis la main et poussai la porte de Chez Earl.
Nous nous tînmes là toutes les trois, sur la pelouse de Big Earl, nous considérant l'une l'autre; et nous aurions tout aussi bien pu éclater de rire ou pleurer à chaudes larmes. Une émotion qui transcendait les mots circulait entre nous: la certitude de nous trouver précisément là où nous devions être, de ne pouvoir partager avec personne d'autre aussi pleinement cette étrange et belle journée. Nous nous serrâmes l'une contre l'autre, rapprochant nos fronts pour former un triangle compact et intime.
Je lâchai alors ce fil qui me raccrochait au monde. Lorsque les eaux troubles inondèrent mon champ de vision, je ne tentai pas de nager à contre-courant. Je me laissai porter vers la cime de l'arbre, là où maman m'avait mise au monde sur les conseils d'une sorcière, il y a tant d'années.
"Bonjour, mon arbre, mon premier berceau, ma seconde maman, ma force, mon combat. Je rentre à la maison."