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Critique de CDemassieux


Combien, aujourd'hui lisent des utopies – et leur contraire : les dystopies – sans se soucier qu'un jour, en pleine Renaissance, un humaniste nommé Thomas More écrivit cette histoire, dont le titre est devenu à ce point commun qu'on en oublie d'où il vient ? C'est la rançon de certains écrivains que d'abandonner des bouts de leur oeuvre ou d'eux-mêmes au langage courant : tel enfant gouailleur parisien est désormais un « Gavroche » quand les dilemmes auront toujours quelque chose de cornélien !
L'Utopie de More est la recherche d'une société harmonieuse et morale. Elle porte la marque du rigorisme de son auteur – rigorisme qui lui valut d'être décapité pour avoir refusé de prêter serment à un acte du Parlement anglais qui rejetait l'autorité du pape – et ne ressemble en rien aux utopies libertaires de la seconde moitié du XXe siècle. Ne nous y trompons pas : à Utopie, on ne jouit pas sans entrave !
Ainsi, cette utopie originelle – inspirée des textes antiques, dont Platon et sa cité idéale –, comme toutes celles qui suivront, a ses limites, prescrites par sa loi. Car étant entendu que l'utopie est un « pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux » (Le Petit Robert), par ailleurs qu'elle « ne tient pas compte de la réalité » du monde multiple et des particularités de chacun, ladite utopie de More apparaît à bien des égards comme une tyrannie du bonheur et isolationniste à souhait. Selon le fondateur de l'île d'Utopie, pou vivre heureux vivons cachés, ce qui est…une utopie ! Pour preuve, c'est un navigateur qui révèle, après l'avoir découverte, l'existence de l'île, c'est-à-dire un homme qui cherche de nouveaux horizons, ce qui est dans la « nature » humaine.
L'Utopie de Thomas More avait l'ambition, à travers une fiction, de proposer ce fameux gouvernement idéal que les hommes recherchent. Mais étant entendu que l'idéal du voisin n'est pas le mien, cela rend difficile, dans la réalité, le consensus utopique, en ce sens qu'une société est faite d'accords et de désaccords entre les individus qui la composent. Serait-ce alors un rêve impossible, si rêve il y a ?
Au-delà de ces considérations politiques, ce que ne prévoyait peut-être pas l'auteur c'est que son texte deviendrait la première pierre d'un genre littéraire qui n'a, depuis, cessé de croître et multiplier. Là est le génie de More, créer un monde imaginaire cohérent, dissimulé aux désordres du monde : tout un programme romanesque !
Une oeuvre déconcertante de fluidité, écrite il y a cinq siècles, et constitutive de la culture occidentale.
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