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Critique de CeCedille


Ce texte, issu d'un manuscrit du début du XVIIème siècle relate, d'une écriture appliquée et lisible, la plus ancienne description d'un voyage de flibuste conduit par le capitaine Charles Fleury, parti de Dieppe le 20 juin 1618, par les îles du Cap-Vert, le Brésil, la Martinique, les Grandes Antilles, les côtes de Campeche au Mexique, jusqu'en Floride, avant de s'en retourner vers la France qu'il atteint le 11 septembre 1620.
La flottille comprend deux navires de 120 tonneaux, l'Espérance, commandée par Fleury, et le Saint-Louys, commandé par le Grand. Une barque de 30 tonneaux, la Sainte Suzanne, commandée par du May. Une autre, de 15 tonneaux, La Robinette, commandée par Dubuisson. Tous "mieux équipés de munitions de guerre que de bouche", ce qui expliquera les infortunes et l'état de disette permanent des 300 hommes transportés.
Le rédacteur n'est pas le capitaine, égratigné par le récit. Faute d'identifier celui qui tient la plume, les commentateurs parlent de "l'anonyme de Carpentras", en référence au manuscrit. C'est à coup sûr l'un des 350 marins de l'expédition, quelqu'un de manifestement éduqué, peut-être d'origine parisienne, où s'est formée l'expédition, avec un grand sens de l'observation, une curiosité aiguë et des connaissances en pharmacologie. On songe au chirurgien de bord, comme Exquemelin, un siècle plus tard. Mais le chirurgien, nommé dans le récit, est exclu. le narrateur reste donc mystérieux, plutôt soldat que marin, peut-être apothicaire et soucieux d'un récit fidèle.
Certes, auparavant, André Thevet avec ses Singularités de la France antarctique (1558) et Jean de Lery avec son Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil (1578) ont donné à Montaigne le goût du bon sauvage. Mais ils ne disent mot des Caraïbes.
L'anonyme de Carpentras est le témoin le plus ancien connu sur la société caribéenne. le père Breton n'écrira sur les Antilles qu'après son retour en France, en 1654, plus de vingt ans après, et le pittoresque père Labat en 1696, seulement à la fin du XVIIème siècle.
Et c'est un témoin de qualité, que cet anonyme, décrivant tout ce qu'il voit, faune, flore, habitants, observés minutieusement avec le recul et l'application d'un anthropologue, d'un linguiste, d'un naturaliste, pendant les dix mois de son séjour à la Martinique. La flottille y est arrivée à moitié morte de faim. Ils sont été nourris. Une curiosité réciproque a créé un véritable attachement mutuel .
Au plaisir des aventures hasardeuses de flibustiers calamiteux, du tableau des moeurs pittoresques et attachants des indiens des caraïbes, le manuscrit de l'anonyme de Carpentras ajoute l'émotion de la lecture directe d'une lettre manuscrite d'il y a quatre siècles, venant d'un correspondant libre de toute mauvaise intention colonisatrice, reconnaissant à d'autres hommes, tellement différents, mais reconnus comme ses semblables, de lui avoir tout simplement sauvé la vie. Cet anonyme mérite d'être célébré et célèbre.
Lien : https://diacritiques.blogspo..
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