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Critique de colimasson


Comme le titre du livre l'indique, Jocelin Morisson nous parle des Expériences de mort imminente (EMI) qui connaissent leur heure de gloire depuis que le cardiologue américain Raymond Moody leur a consacré un bouquin en 1975. Comme c'était un cardio, ça faisait plus sérieux et tout de suite, tout le monde l'a cru. Après lui, y a eu d'autres toubibs qui ont fait des bouquins sur le sujet, et comme ils venaient tous du monde scientifique, on s'est dit : bravo, c'est que ça doit être vrai. Même si, en même temps, dans leurs livres, ils arrêtaient pas de nous dire : ne croyez pas tout ce que les scientifiques vous disent. Que voulez-vous, on vit dans un monde schizophrène ou bien l'on ne vit pas (ou si peu).


Jocelin Morisson est journaliste scientifique, ce qui veut dire qu'il est crédible comme les autres parce qu'il a lu et écrit plein d'articles avec des données approuvées par la haute autorité. Il commence par nous rappeler les trucs de base pour ceux qui connaîtraient pas trop : quand on croit qu'on va mourir ou qu'on est presque mort, c'est possible de voir un tunnel avec plein de lumière au bout, de la musique sacrée, des gens qu'on aime, c'est possible aussi de voir les urgentistes qui s'échinent sur notre triste personne, ou de voir des potes ou de la famille qui gueulent : ouais ! il a enfin clamsé ! Après quoi, la moitié du livre recense des témoignages et là, Jocelin est tranquille, il se contente de les commenter pour montrer à quel point c'est impressionnant tout ça. Il y a un même un témoignage (tout en italique) qui prend dix pages, et comme le livre fait à peine 160 pages, ça fait beaucoup.


Ensuite, comme tout bon journaliste qui se respecte, Jocelin essaie d'aller voir plus loin que le bout de son nez, donc il se demande si les EMI ça existait déjà dans le passé (si ça existe depuis toujours, alors c'est que c'est vrai) ? Il trouve des trucs dans Platon sans se demander jamais si c'est du littéral et du métaphorique. Il trouve des trucs aussi dans les extases des mystiques du Moyen Age mais il dit bien : attention, les expériences des mystiques les conduisaient à renier le corps alors que les EMI apprennent à aimer tout, l'âme, le corps et je vous en passe des plus belles et des meilleures. du coup, on sait pas trop si c'est la même chose ou pas, mais vu que dans un cas comme dans l'autre, on parle de grande lumière qui ravive le coeur, on fout tout dans le même sac. On parle un peu de ce que voient aussi les autres gens dans le monde, ceux qui croient pas au Christ ou qui ont plusieurs divinités : eh bien comme par magie, ils voient les divinités auxquelles ils croient !


Jocelin nous dit qu'il faudrait être con pour ne pas croire à l'existence d'une après-vie, après tout ce que les gens ont raconté à ce sujet. Il dit que ceux qui doutent encore sont des emmerdeurs (il le dit pas comme ça) et que le monde serait vraiment plus cool si on était tous d'accord pour dire qu'il faut vivre en se persuadant que quelque chose nous attend après toutes ces emmerdes. Cette fois, ça sera merveilleux, faut en être sûr. En plus, tous nos amis et tous les anciens de notre famille nous attendent et nous tendent les bras, c'est pas moi qui l'ai dit, ce sont les gens qui ont failli mourir. Robert a vu sa grand-mère qui lui faisait un grand sourire, comme elle ne lui en a jamais fait dans la vraie vie, et Claudette a vu son mari et elle l'appelait « Guy, Guy », alors c'est vous dire à quel point c'est vrai. D'ailleurs, si vous en doutez, posez-vous la question inverse : si c'était pas vrai, pourquoi qu'ils les auraient vus ? Voilà, arrêtez de nous faire chier. le ton est un peu politocard parfois, on a l'impression de se faire insulter si on n'est pas totalement convaincu voire de se faire traiter de con et d'arriéré, du genre à aller prier à l'église le dimanche au lieu de croire à ces nouvelles messes laïques qui mettront enfin tout le monde d'accord.


Jocelin nous dit aussi que les EMI changent la vie des gens. Après ça, les expérienceurs ont souvent envie de se consacrer à l'étude de la physique quantique. C'est tellement drôle que je vous colle l'extrait :


« le mot « quanta » tournait dans sa tête en boucle après l'accident et, une fois rétabli, il s'était rendu dans une bibliothèque universitaire pour savoir à quoi ce mot renvoyait. Avec le recul, il considère qu'il s'agit d'une suite logique à l'expérience d'omniscience qu'il avait connue au cours de son EMI, mais à l'issue de laquelle on lui avait dit qu'il ne pourrait pas ramener cette connaissance. Au fil des mois et au prix d'efforts intenses, il noircira des cahiers entiers de formules et concepts de physique quantique et obtiendra quelques années plus tard un diplôme de licence de physique. »


Il parle aussi de Rajaa Benamour qui a fini par s'inscrire à un cours du soir de physique quantique et son prof, Khalid el-Boussiri, il nous confirme qu'elle comprenait tout du premier coup. Pour d'autres, les changements sont passablement moins utiles, au premier coup d'oeil tout du moins :


« […] une femme raconte qu'en plus de son hypersensibilité aux champs électromagnétiques et ses problèmes avec l'électricité en général, elle a provoqué des accouchements prématurés chez cinq femmes enceintes dont elle s'était approchée d'un peu trop près ! »


Donc voilà, si vous avez vécu une EMI, vous pouvez devenir un maître de la physique quantique ou vous pouvez pratiquer des IVG à distance, à vous de choisir.


Bon, c'est pas tout ça, assez rigolé. Maintenant, on veut des preuves scientifiques. Pour Jocelin, c'est évident : les gens qui ont eu une EMI ont pu rapporter ce que les toubibs ont dit ou ce qu'ils ont fait pendant qu'ils étaient censés être morts, alors ça veut dire que c'est réel. Mais quand même, certains ont voulu faire des expériences plus précises, au cas où, et ils ont caché un signe secret que personne ne connaissait, même pas les médecins, dans différents endroits d'un hôpital. Après une longue période d'expérimentation, aucune des personnes témoignant d'une EMI n'a vu ce signe secret. C'est un peu gênant mais Jocelin et ses potes s'arrangent pour expliquer le phénomène d'une manière qui rassure tout le monde : pendant une EMI, ce que voit le type ne relève « pas à proprement parler d'une perception mais d'une « acquisition globale d'information », et qu'elle ne se déroule pas (seulement) hors du corps mais surtout hors de l'espace et du temps ! ». En gros, on nous dit plusieurs choses contradictoires en plusieurs étapes selon qu'il faut défendre la veuve ou l'orphelin : 1) ce que voit l'expérienceur (les médecins qui parlent de lui, la famille qui chiale, les seringues dans le bras) est vrai et ça atteste de la réalité de l'expérience, et donc de l'après-vie ; 2) les expérienceurs ont pas vu les petites cibles secrètes cachées dans l'hosto ; 3) en fait, ce que voit l'expérienceur n'est pas notre petite vie de tous les jours mais l'immensité de l'univers sans distinction de temps et d'espace. La conclusion 3) est censée remettre en question le présupposé acquis 1) mais ça, on s'en fout, c'est pas une approximation de plus qui va changer l'affaire.


Dans la vie, il y a plusieurs personnes : celles qui veulent convaincre et celles qui s'en foutent. Parmi celles qui veulent convaincre, il y a celles qui utilisent la la logique et celles qui utilisent les sentiments. Parmi celles qui utilisent les sentiments, bien souvent, on voit poindre la culpabilité. Quoi ? T'es pas d'accord avec le message de bonheur, d'amour et d'harmonie qu'on te propose ? c'est que t'aurais sans doute été nazi au siècle dernier.


Voilà, et si vous voulez en savoir plus, y a un séminaire le 24 novembre au cinéma pathé de bellecour à lyon, si vous voulez venir écouter Jocelin et d'autres, ça coûte seulement 72€ sans compter le billet de bus (2€20 si vous achetez à bord du bus) et les boissons bien nécessaires pour pas se dessécher comme une poire au soleil. C'est le prix à payer pour la promesse d'une après-vie heureuse.
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