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Critique de Krissie78


La compagne de publicité en France lors de la sortie de ce livre en version poche a suscité la polémique, tant à cause de l'illustration de couverture que du bandeau et du sujet de ce roman sur fond historique (et surtout sur un sujet plus que douloureux). Devant le succès planétaire de ce livre je voulais me faire ma propre opinion.

C'est avec un sentiment très mitigé que je referme le live. Il semble qu'il n'y ait pas de doute sur l'existence de Ludwig Eisenberg, sur son emprisonnement à Auschwitz. Il n'y en a pas non plus sur le parcours de Gita, la femme dont il est tombé amoureux au premier regard, celle à qui il jure qu'ils survivront, sortiront de ce lieu d'horreur, se marieront et fonderont une famille.

Là où le trouble s'installe au fil de la lecture c'est sur le côté hautement romanesque du personnage de Lale (surnom de Ludgwig), et les inexactitudes qui parsèment le récit. Lale a attendu la mort de Gita en 2003, et donc plus de 50 ans, avant de raconter son histoire à une journaliste, au cours d'entretiens réguliers pendant trois ans. Par peur d'être accusé de collaboration avec les nazis le couple n'avait jamais raconté son histoire.

Lale arrive au camp d'Auschwitz en avril 1942. Miraculeusement sauvé de la charrette de morts par un prisonnier français, il va devenir le tatoueur du camp, celui qui va donner leur nouvelle « identité » à tous ceux qui débarquent des trains. Un travail qu'il gardera presque 3 ans et qui lui accorde quelques privilèges (et devrait lui valoir le rejet des autres prisonniers). Mais Lale se sert de cette position à part pour aider ses compagnons d'infortune. Il parle plusieurs langues (slovaque, allemand, russe, polonais, hongrois), ce qui le rend très utile pour les nazis et lui permet de communiquer avec les prisonniers venant d'horizons divers. Sa relative (et parfois étonnante) liberté de circulation lui permet de nouer un lien avec un travailleur qui vient du village voisin. Grâce aux bijoux et valeurs que Lale obtient des femmes qui travaillent au tri des biens des déportés récupérés par les nazis, il peut obtenir de l'ouvrier allemand de la nourriture que Lale distribue autour de lui. Cette générosité lui permettra d'échapper plusieurs fois à la mort (« Celui qui sauve un homme sauve le monde » dit le Talmud). Et puis Lale s'est fait une promesse « Je survivrai, rien que pour sortir d'ici. Je sortirai d'ici comme un homme libre ». Un jour de juillet 1942 il marque le bras d'une jeune femme dont il tombe immédiatement amoureux. Un coup de foudre qui sera réciproque. Cet amour partagé va les faire tenir au-delà de la libération du camp par les Russes en janvier 1945. Lale et Gita se retrouveront à Bratislava puis émigreront en Australie après un passage par la France. Mariés, comme ils se l'étaient promis, ils auront un fils.

Une belle histoire d'amour. Mais il semble que plus de 50 ans après les faits la mémoire de Lale lui ait joué des tours. Il se trompe sur le numéro d'identification de Gita (la femme avec laquelle il a vécu 50 ans et qui a cette marque à vie sur son corps), mentionne un trophée de la coupe du monde de football qu'aurait gagné la France en 1930 (c'est l'Uruguay qui gagna cette première édition), ne fait pas mention de la résistance opposée par les tziganes lorsqu'ils furent évacués du camp en 1944, etc. Si je peux comprendre qu'un vieil homme ait une mémoire aléatoire je n'accepte pas qu'une journaliste ne fasse pas un minimum de travail de vérification (ces informations je les ai vérifiées en 5 minutes sur internet, et je ne suis pas journaliste). le musée d'Auschwitz lui-même trouve le livre assez litigieux du fait de nombreuses incohérences.

Certes le livre est présenté comme un roman et non comme un témoignage, mais outre les remarques précédentes, le style est assez mauvais. L'écriture est simple. Pas de recherche dans le vocabulaire ni dans la rédaction. de nombreux passages sont juste survolés, de même que les émotions. Ainsi rien sur le sentiment de culpabilité que ressentent les survivants, sur le pourquoi de ce long silence. Certes Lale est très généreux, ce qui le rend sympathique et attire l'empathie, mais il semble par moments trop parfait, trop chanceux pour survivre pendant près de 3 ans simplement grâce à son sourire et sa générosité.

Pour avoir lu, vu, écouté de nombreux témoignages sur les camps de concentration je referme le livre avec le sentiment que toute personne qui découvrirait cette phase de la Seconde Guerre mondiale par ce roman n'en aurait qu'une vue tronquée, biaisée. Mais aurait-elle la curiosité de chercher à en savoir plus ?
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