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Critique de Sharon


1994 : génocide au Rwanda. Nous connaissons tous cette date. Mais avant ? Que s'est-il passé pour que ce pays connaisse ce déchainement de violence ? Notre-Dame-du-Nil nous raconte le passé récent de ce pays.
Dans ces années 70, le Rwanda s'est enfin défait de la domination coloniale de la Belgique. Il ne faut pas y regarder de trop près, néanmoins : certains professeurs viennent de Belgique, d'autres sont des coopérants français, et la visite de la reine des Belges est un événement capital dans l'existence si feutrée, si protégée du monde des lycéennes de Notre-Dame-du-Nil.
Là encore, il ne faut pas se fier aux apparences. Les héroïnes sont jeunes, elles sont promises à un bel avenir, parce qu'elles étudient dans ce lycée, où elles ont été admises après un examen national. En réalité, elles sont ici parce qu'elles viennent des meilleures familles, celles qui sont proches du pouvoir, celles qui sont riches, et que, grâce à leurs diplômes, elles permettront à leurs parents de conclure de meilleures alliances. Elles peuvent être là aussi comme Virginia parce qu'elles font partie du quotat tutsi : 10 % des élèves doivent appartenir à cette ethnie. La mise en place de ces "quotats" est déjà en soi un avertissement.
Gloriosa, Virginia, Véronica, Modesta, Goretti (de sainte Maria Goretti, je suppose) : de jolis prénoms pour les pensionnaires de Notre-Dame-du-Nil, prénoms imposés, comme elles le disent elles-mêmes. Elles possèdent toutes un autre prénom, leur vrai prénom, celui qui leur a été donné par leur famille, dont la signification est hautement symbolique pour elles. Ces deux prénoms illustrent leur double culture : celle, occidentale, dispensée dans le lycée, celle, rwandaise, donnée dans les familles - pas toutes, cependant. Virginia, qui retrouve pourtant avec bonheur les siens aux vacances scolaires et effectue tous les travaux quotidiens avec joie, devra partir à la recherche des anciennes coutumes de son pays afin d'accomplir une cérémonie ancestrale. J'ai beaucoup aimé ses récits qui apportent de rares moments d'apaisement dans un quotidien qui ne l'est plus du tout.
En effet, la tension ne cesse de monter au cours, savamment entretenue par quelques personnages. Je ne parle même pas du prêtre, personnage visqueux au possible, et qui justifierait à lui seul mon anticléricalisme viscéral. Je ne parle pas non plus de la mère supérieure, qui symbolise à elle seule le comportement des occidentaux : ne rien voir (ou faire semblant de ne rien voir) et ne rien faire. Non, la tension est solidement entretenue par une élève, Gloriosa, d'autant plus dangereuse qu'elle connait les arcanes du pouvoir, maîtrise parfaitement son discours haineux et sait parfaitement doser ses effets : "Mon père dit qu'on ne doit jamais oublier de faire peur au peuple" Elle a bien appliqué la leçon.
J'ai été littéralement emportée parce cette histoire, racontée avec des mots puissants. J'ai eu l'impression d'être auprès de ses jeunes filles, broyées par l'absurdité de l'histoire. J'ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture et j'ai très envie, au delà du jury du Prix Océans, de continuer à découvrir l'oeuvre de cette auteur.
Je terminerai ce billet par une citation de Virginia, personnage central de ce livre : Nous autres les Tutsi, nous savons garder nos secrets. On nous a appris à nous taire. Il le faut bien si l'on tient à la vie.
Lien : http://le.blog.de.sharon.ove..
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