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sur 616 notes
Voir un film est une chose, lire le livre qui l'a inspiré en est une autre… tout à fait indispensable !

Au cinéma, Atiq Rahimi a beaucoup épuré l'histoire, en a retiré plusieurs épisodes mais voir son très beau film, avant de lire le roman de Scholastique Mukasonga, m'a permis de visualiser scènes et paysages. Par contre, la lecture m'a aidé à comprendre certaines situations à peine suggérées à l'écran.
Lorsque Notre-Dame du Nil est sorti en librairie, en 2012, j'avais vu l'autrice en parler et je m'étais promis de lire son roman, ce que je viens de faire enfin ! Les Prix Ahmadou-Kourouma (Salon international du livre et de la presse de Genève) et Renaudot l'avaient justement récompensé.
Ce que raconte Scholastique Mukasonga sur son pays est troublant car elle permet de comprendre que le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, n'était pas une première, un terrible épisode unique. Déjà, en 1959, puis en 1963, une épuration dite ethnique avait eu lieu et ici nous ne sommes qu'en 1973.
Les Hutu, en majorité cultivateurs, se disent peuple majoritaire, paysans dominés par les Tutsi, plutôt éleveurs mais dont certains sont riches. Déjà écartés des principaux postes, les Tutsi subissent la loi des quotas – par exemple, 10 % d'élèves Tutsi au lycée – et les Hutus veulent encore se venger, poursuivre l'horrible épuration des années précédentes, traitant leur frères d'Inyenzi, de cafards, pour pouvoir les détruire.
Scholastique Mukasonga raconte l'histoire de ce lycée pour jeunes filles de la haute société. S'inspirant de ce qu'elle a elle-même vécu, elle imagine cet établissement construit spécialement près d'une des sources du Nil, à 2 500 m d'altitude. Elle émaille son récit de quantité de mots de la langue du pays, le kinyarwanda, alors que le swahili est écarté par les Hutu parce que parlé par des musulmans. Surtout, elle fait bien comprendre que ce sont les Blancs, les colons, qui se sont évertués à créer des races parmi les indigènes qu'ils rencontraient et traitaient avec beaucoup de condescendance. Des mesures, des arguments pseudo-scientifiques étayaient leurs théories et nous savons tout le mal, tous les morts que de telles classifications ont causés un peu partout dans le monde.
Alors, j'ai suivi ces jeunes filles comme Gloriosa, Goretti, Immaculée, Godelive, Frida, Veronica, Virginie, principales protagonistes d'une histoire tragique plongée dans les traditions d'un peuple, perverti par les Blancs, qu'il ne cesse de vouloir imiter. Je précise que les vrais prénoms de ces filles sont bien différents mais il leur faut un prénom plus européen pour l'école…
Le lycée est catholique, religion imposée, dirigée par une mère supérieure et un aumônier hutu, un pervers, qui ne fait qu'attiser les haines. Parmi les profs, trois coopérants français sont bien pâlots, sauf M. Legrand qui fait sensation avec ses longs cheveux blonds. Je dois aussi citer M. de Fontenaille, sorte d'illuminé qui a tenté de faire fortune dans le café et qui s'obstine à relier l'histoire des Tutsi à la Haute-Égypte.
J'ajoute enfin que j'ai apprécié l'épisode des gorilles, absent du film, très instructif pour le rapport des Rwandais avec la nature et la vie sauvage.

Notre-Dame du Nil est un roman superbement écrit, passionnant, instructif, précieux pour l'Histoire mais que c'est dur de constater tous les dégâts causés par nous, les Européens, sur le continent africain, en croyant apporter la civilisation alors que nous ne faisions que détruire celle qui existait.
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Notre-Dame du Nil, Prix Renaudot 2012, premier roman de Scholastique Mukasonga est également le nom de ce pensionnat catholique de jeunes filles perché sur une colline qui reçoit l'élite féminine du pays, le Rwanda. Y sont scolarisées les filles de notables, de militaires, de commerçants, et de politiques, Hutus. Cette institution est tenue par des enseignants français et des religieuses belges et il ne peut y avoir plus de dix pour cent d'élèves Tutsis, dont font partie Veronica et Virginia. L'histoire se passe dans les années 1970. Gloriosa, fille de ministre Hutu va distiller peu à peu sa haine des Tutsi, persuadée de leur nocivité, et se dresser face à Veronica et Virginia. Les soeurs belges et les professeurs français, se garderont bien d'intervenir, préférant fermer les yeux, lorsque les troubles éclateront.
J'ai été touchée par ces jeunes filles qui, pour certaines ne connaissaient que la vie au village et découvraient là d'autres façons de vivre. J'ai participé avec elles au partage des provisions préparées par leurs mères et ainsi appris à connaître les principaux mets consommés au Rwanda, participé également à la décoration de leur coin de dortoir avec quelques photos de chanteurs. J'ai aussi assisté à leurs premiers émois d'adolescentes, à la découverte de leur corps et leurs premiers amours, et à leur rêve de vie en Europe.
Et puis il y a la pluie : « La pluie pendant de longs mois, c'est la Souveraine du Rwanda, bien plus que le roi d'autrefois ou le président d'aujourd'hui, la Pluie, c'est celle qu'on attend , qu'on implore, celle qui décidera de la disette ou de l'abondance... »
Ce roman, par le biais de cette micro société représentée par ce pensionnat nous amène à entrevoir comment ce génocide a pu avoir lieu, comment la division des classes, la disparité économique et ne l'oublions pas le colonialisme ont créé un terreau toxique propice au ressentiment, et sur lequel la haine ethnique a pu se développer et se renforcer.
Scholastique Mukasonga décrit dans ce récit tout en finesse la progression de la haine qui va déclencher un vrai massacre. Elle parvient de façon magistrale à nous faire comprendre cette montée en puissance de l'horreur; cette vague de violence qui emporte le pays dans les années qui suivent la décolonisation, prémices du génocide qui surviendra vingt ans plus tard en 1994, génocide que l'auteure a subi de plein fouet, près de trente membres de sa famille y ont péri, dont sa mère. Si elle n'avait pas été alors en France, elle y aurait également laissé la vie...
Ce pourrait être un récit sur la vie quotidienne de jeunes filles dans un pensionnat mais les tensions entre Tutsis et Hutus qui sous-tendent celle-ci en font un huis clos poignant et qui nous tient en haleine jusqu'au bout, ce conflit fratricide étant le sujet principal du roman.
J'ai eu la chance de voir le film éponyme réalisé par Atiq Rahimi, belle adaptation du roman. Lire le roman et voir le film, c'est l'idéal !

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Notre-Dame-du-Nil est perchée tout en haut des sources du Nil. Dirigée par des religieuses, elle reçoit le gratin de la population Hutus mais aussi par un quota imposé, quelques jeunes filles Tutsis. Même en prenant de la hauteur, les premiers soubresauts d'un grand malheur gagnent petit à petit le lycée.
Scholastique Mukasonga choisit par de petits évènements de montrer la montée de la terreur. On sent bien, qu'au-delà des bonnes manières, se prépare l'inacceptable. Au nez des professeurs étrangers (français) et de la direction du lycée (belge).
Mesquineries, brimades, les dominants sont près à tout pour faire exploser leur haines des « Inyenzi » (cafards, nom donné à leurs camarades Tutsis).
Au fil des pages, l'angoisse monte, les masques tombent jusqu'à l'explosion inacceptable du génocide. le livre de Mukasonga montre avec un sacré talent de conteuse, par petites touches, la folie qui va frapper le Rwanda en cette funeste année 1994. Comment peut-on en arrivé là ?
4 étoiles
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Au Rwanda, le lycée de Notre-Dame du Nil veut former l'élite féminine de demain. Il s'agit surtout de préserver la virginité de ces filles qui feront l'objet de mariages glorieux ou juteux. Pour une famille rwandaise, une fille représente une richesse précieuse. « Elle était assurée que sa fille recevrait au lycée Notre-Dame du Nil l'éducation démocratique et chrétienne qui convenait à l'élite féminine d'un pays qui avait fait la révolution sociale qui l'avait débarrassé des injustices féodales. » (p. 28) Perdu dans les montagnes et situé tout près de la source du Nil, l'établissement accueille un quota de filles issues de l'ethnie tutsie, mais cela ne plaît pas à toutes les élèves. le microcosme du lycée reproduit naturellement la société rwandaise et les élèves Hutu dédaignent leurs camarades tutsis. Parmi elles, Gloriosa se voit déjà à la tête du parti du peuple majoritaire. Mais il y a aussi Immaculée la rebelle, Modesta la métisse, Véronica la rêveuse et Virginia qui ne pleure jamais.

Non loin du lycée, le vieux M. de Fontenaille est obsédé par l'ethnie tutsie et il est persuadé d'avoir trouvé l'incarnation de la déesse Isis. « Dans leur exode […], les Tutsi avaient perdu la Mémoire. Ils avaient conservé leurs vaches, leur noble prestance, la beauté de leurs filles, mais ils avaient perdu la Mémoire. Ils ne savaient plus d'où ils venaient, qui ils étaient. » (p. 72) Fontenaille en est persuadé : les Tutsi sont les descendants des pharaons noirs de Méroé. Étrangement, tout le monde croit détenir sa propre vérité sur les Tutsi, mais ce sont encore eux les plus lucides. « J'ai aussi appris que les Tutsi ne sont pas des humains : ici nous sommes des Inyenzi, des cafards, des serpents, des animaux nuisibles ; chez les Blancs, nous sommes les héros de leurs légendes. » (p. 153) Leur histoire est aussi mystérieuse que le sang mensuel des femmes et la statue de Notre-Dame du Nil. Est-elle une ancienne vierge belge peinte en noir ? Une Tutsi ? Une Hutu ? Une déesse égyptienne ?

Le Rwanda veut écrire sa propre histoire loin des Belges et loin des blancs, mais les dérives ne sont pas loin et même les plus jeunes en conscience. « Mon père dit qu'on ne doit jamais oublier de faire peur au peuple. » (p. 186) Dans ce pays nouvellement débarrassé de la domination européenne, tous les moyens sont bons pour s'emparer du pouvoir et le garder : « Ce n'est pas des mensonges, c'est de la politique. » (p. 194) Rescapée des massacres qui ont ensanglanté le Rwanda, l'auteure mêle avec talent l'histoire légendaire des Tutsi de l'époque pharaonique à l'histoire contemporaine. On voudrait croire que le roman n'est que fiction, mais les accents de la vérité ne trompent pas. Ce qui passe dans l'enceinte du lycée Notre-Dame du Nil n'est pas un beau catéchisme ou une légende antique, ce n'est que l'expression banalement terrible d'un peuple qui se perd en croyant affirmer son identité.
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Le lycée Notre-Dame du Nil est un internat catholique pour jeunes filles de la bonne société rwandaise, destinées à devenir l'élite féminine du pays. Perché dans les montagnes à 2500 mètres d'altitude, à proximité des sources du Nil et loin de Kigali la tentatrice, il est tenu d'une main de fer par des religieuses belges, dont l'objectif est aussi (surtout) de préserver la virginité des adolescentes qui y sont scolarisées, et ainsi leur garantir un beau et riche mariage.

En ce début des années 70, le Rwanda est indépendant depuis une dizaine d'années et cherche à se faire une place et une identité parmi le concert des nations. Autant dire que le jeune Etat part sur de mauvaises bases, puisque la ségrégation des Tutsis est à l'oeuvre depuis longtemps. Leur mise à l'écart touche l'enseignement aussi, et le lycée ne peut accueillir qu'un quota de dix pourcents d'élèves tutsies, isolées au milieu des représentantes du "peuple majoritaire" hutu. Parmi ces dernières, Gloriosa, fille de ministre, s'érige bien vite en meneuse intolérante, entourée d'une cour de suivantes qui soit partagent son dégoût des Tutsis (surnommés "Inyenzi", cafards), soit sont trop lâches ou trop bêtes pour s'opposer à elle.

Entre pèlerinage annuel à la statue de Notre-Dame du Nil et visite de la reine Fabiola, l'année scolaire s'écoule de moins en moins paisiblement, les insinuations indélicates de Gloriosa à l'égard de ses condisciples tutsies laissant peu à peu la place à un discours haineux et va-t-en-guerre, et cela dans le silence assourdissant des religieuses et des enseignants, qui ne veulent surtout pas prendre parti. Ensuite, des paroles aux actes, le pas sera aisé à franchir.

D'une chronique parfois cocasse de la vie quotidienne d'un pensionnat select pour jeunes filles à un final dramatique et sans espoir, "Notre-Dame du Nil" explique, à l'échelle du microcosme d'un lycée isolé, la montée de la terreur et de la haine qui déclencheront, 20 ans plus tard, un massacre d'une violence exponentielle.

A hauteur d'adolescence, l'auteure montre bien le rouleau compresseur hutu symbolisé par Gloriosa face aux "cafards" tutsis impuissants et qui ne trouveront que rarement une échappatoire. Elle dénonce le non-interventionnisme des Blancs, et plus largement, cible la politique de la Belgique, ancienne puissance colonisatrice : en fonction de ses propres intérêts, fluctuants, celle-ci a d'abord privilégié les Tutsis, avant de changer de stratégie et de se concilier les bonnes grâces des Hutus, semant les germes d'une rivalité raciale aux conséquences tragiques.

Malgré des personnages un peu caricaturaux, on se laisse prendre par le style simple et efficace, et par le talent de conteuse de l'auteure. Elle sait s'y prendre pour nous faire ressentir la progression de l'angoisse et pour nous immerger dans la société et l'histoire rwandaises. Une question me reste cependant : imaginait-on, à l'époque, l'ampleur du massacre de 1994 ?
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Quand un livre évoque un sujet aussi puissant et dramatique que les prémisses d'un génocide et qu'on ne l'a pas trop aimé, on marche sur des oeufs pour en faire une chronique. C'est mon cas avec 'Notre Dame du Nil', roman unanimement salué par la critique mais qui m'a prodigieusement ennuyée, à l'exception notable des 30 dernières pages, fortes et bouleversantes.

J'ai acheté le livre au moment du club de lecture Babelio (en février, je crois) mais j'avais plusieurs autres lectures en cours, et l'ai donc prêté à ma mère qui n'est, je le précise, ni une réactionnaire raciste, ni une idéaliste naïve, mais une grande amatrice de documentaires pas effrayée de retrouver dans les livres la noirceur du monde. Verdict : 'ce livre est nul; il n'y a pas d'histoire, juste un horrible fait divers; les personnages sont soit demeurés, soit lâches, soit illuminés, soit pervers, soit les quatre à la fois; ça donne vraiment une mauvaise image des Rwandais et de l'homme en général; en plus, c'est mal écrit, je ne comprends pas ce que tout le monde trouve de si formidable'. Dont acte. Je me dis qu'elle a toujours eu la dent dure et que peu de livres trouvent grâce à ses yeux. Pas découragée, j'entame donc ma lecture.

Mais, au bout de 10 pages, je m'ennuie et ça ne fait qu'empirer au fil de ma découverte de ce pensionnat de jeunes filles rwandaises qui sont, au choix, arrogantes et stupides, ou soumises et stupides. En plus, je suis agacée par les innombrables clichés : le religieux libidineux, le vieil ermite original et sympathique, l'ambassadeur amateur de chair fraîche qui se croit tout permis, la directrice qui ne se préoccupe pas des élèves mais des convenances, les gorilles qui apparaissent en guest-stars, la fille qui panique lors de ses premières règles... Bref, ça ne me plaît pas du tout. Au point que j'ai sérieusement envisagé d'abandonner autour de la page 180. J'ai pourtant continué, essentiellement parce que ça se lit vite.

Bien m'en a pris, parce que la fin m'a nettement plus touchée et intéressée. On a enfin des vraies personnalités qui se dessinent, notamment la 'résistante' qui garde son indépendance face à la pression du groupe et fait ce qu'elle croit juste, et surtout la 'dangereuse' avec son idéologie du 'peuple majoritaire', sa haine et sa soif du pouvoir... Et autour d'elles beaucoup de soumis, d'indifférents ou de lâches qui regardent ailleurs pendant que le pensionnat bascule dans l'horreur. Comme c'est arrivé de nombreuses fois dans l'histoire, au Rwanda et ailleurs. Rien que pour ce terrible rappel, ce livre mérite probablement d'être lu.
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Pluie bienfaisante, végétation luxuriante et intervention magiques au pays des mille collines…

Un roman d'atmosphère, une école de filles au Rwanda dans les années 70, avec les interrogations et les petites intrigues d'adolescentes, mais dans un milieu et un contexte politique tout à fait particuliers.

Vingt ans avant le massacre de 1994, la haine raciale fleurissait déjà dans ce couvent catholique, c'est un rappel des prémices de ce qui deviendra un moment horrible de l'histoire.

Une belle écriture, des descriptions vivantes et qui sonnent juste, un bon moment de lecture dans un pays dont on connait mal les réalités.
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Notre-Dame du Nil est un roman qui se passe de présentation. Il est paru en 2012, je suis donc un tantinet en retard... L'autrice Scholastique Mukasonga commence de façon anodine, en racontant l'histoire d'un collège réputé pour jeunes filles (dont le nom a donné son titre au bouquin), tenu par des religieuses. Perché au sommet d'une montagne près de la capitale rwandaise, à proximité d'une des sources du Nil, à proximité d'un lieu magique. La seule description de l'endroit et de ses environs est propice à l'émerveillement. Mais, graduellement, les événements du dehors viendront troubler la paix qui semblait y régner mais qui n'était qu'une apparence.

En effet, le début du roman est plutôt lent mais cela lui sied. L'autrice raconte l'histoire de ce lieu, sa construction relativement récente (plus mouvementée qu'on ne l'aurait cru, remplie d'anecdotes), puis on se familiarise avec ce lieu en même temps que les jeunes pensionnaires qui arrivent au milieu des années 90. Pour la plupart, filles de bourgeois, de diplomates, de militaires. Pour la plupart, Hutus. Comme elles, on jette un regard sur le collège, on commente les enseignants, surtout les nouveaux, ceux envoyés de France ou de Belgique. Surtout, on retrouve les copines et on papote. Certaines s'inquiètent des amoureux qu'elles ont laissé en ville (c'est l'occasion d'aller voir la « sorcière » locale), d'autres commencent à devenir des dames, leurs parents sont à les marier. C'est ce qui attend Frida, dont le père insiste pour qu'elle passe les fins de semaines à la maison auprès de son fiancé, ce qui est contraire aux règlements du pensionnat. On peut désobéir à la Révérende Mère? C'est la première fêlure.

Si le début de ce roman m'a enchanté, la succession de scènes/tableaux me semblait une jolie évocation de la vie de jeunes filles privilégiées d'un pays d'Afrique centrale. Ne dit-on pas que l'école constitue le microcosme de la société. Mais encore? Après plusieurs de ces tableaux, je me demandais si l'intrigue allait décoller. Je n'irais pas jusqu'à dire que je c'était assomant, loin de là, mais l'ennui n'était pas loin non plus. Surtout qu'il ne semblait pas y avoir une protagoniste : plutôt, on entrait dans le quotidien de ces jeunes filles. Quelques unes se démarquent mais pas tant. Pendant un bon bout de temps, ça m'a empêché de ressentir autant d'empathie que le méritaient peut-être les pensionnaires. du moins, pendant les deux premiers tiers du roman.

Puis, fort heureusement, les choses se mettent à débouler dans le dernier tiers. Une des pensionnaires, Gloriosa, se plaint que la statue de la Madone (la fameuse Notre-Dame du Nil) a des traits qui ressemblent davantage à ceux des Tutsis. Honte! Quand les passions se déchainent dans la capitale, le génocide du Rwanda, leur écho se fait sentir dans le collège également. D'abord, les petites persécutions, les railleries, les mots blessant, visant à faire sentir à la minorité qu'elle n'est plus la bienvenue. Puis, les incitations directes aux meurtres raciaux contre leurs amies de la veille, les Tutsies dont Veronica et Virginia font partie. C'était horrible et poignant à la fois. Ah… ce que la haine et la soif de pouvoir peut amener les gens à commettre de pareilles atrocités!

J'ai lu Notre-Dame du Nil en quelques heures seulement. Je me suis laissé emporter d'abord par cette évocation de la vie dans ce lycée, dans ce pays, ensuite par le rythme effréné des exactions et des horreurs. Malgré le contexte historique complexe et les moeurs locales qui m'étaient étrangères, j'ai suivi sans difficultés cette intrigue que propose Scholastique Mukasonga. Pourtant, il est difficile d'écrire une histoire sur un sujet si lourd. Eh bien, elle y parvient haut la main. Son écriture est si fluide, si simple et, en même temps, si riche. J'ai beaucoup envie de lire autre chose de cette autrice.
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Année 1970, Rwanda, dans des collines reculées se trouve un lycée pour jeunes filles de la haute société, principalement Tutsis, ethnie dominante à ce moment, mais avec quelques jeunes filles hutus accueillies et tolérées.
Les tensions entre elles sont palpables.
Je me suis malheureusement ennuyée pendant toute la lecture, car j'ai trouvé la narration peu accrocheuse, manquant de liens et sans véritable intrigue. L'écriture ne m'a pas plu davantage. J'ai régulièrement envie d'abandonner, mais étonnamment les pages s'enchaînaient assez facilement J'ai donc poursuivi, mais sans enthousiasme et sans véritable intérêt malheureusement. Je ne comprends pas l'enthousiasme pour ce roman.
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Perché dans les nuages, à 2493 mètres, tout près de la source du Nil, le lycée Notre-Dame du Nil accueille la future élite féminine de la nation rwandaise. Les chastes jeunes filles, issues des meilleures familles, viennent y décrocher un diplôme qui plus sûrement qu'un travail, leur permettra de trouver un mari dans les hautes sphères de la société. Soeurs catholiques, professeurs belges et coopérants français leur inculquent les valeurs démocratiques et chrétiennes qui conviennent dans un pays qui a mené à bien sa révolution sociale. Harmonieuse en apparence, l'ambiance est pourtant délétère. La société rwandaise est divisé entre Hutus et Tutsis et ce clivage a pénétré cet antre du savoir. Les élèves hutus y sont largement majoritaires et n'hésitent pas à humilier les jeunes filles tutsis qui ne sont là que par la grâce d'un quota imposé par l'état. La plus virulente est Gloriosa qui rêve d'une carrière politique au sein du Parti du peuple majoritaire et aime à rappeler à Virginia et Véronica qu'elles ne sont que des cafards qui n'ont rien à faire à Notre-Dame du Nil. Autour d'elle, une cour s'empresse même si Immaculée ne partage pas ses positions et que Modesta est tiraillée par ses origines métisses.
Plus proche voisin du lycée, Monsieur de Fontenaille, un vieil original, est bien le seul à regretter le temps où les Tutsis étaient les maîtres du pays. Persuadés qu'ils sont venus d'Egypte et descendent des pharaons, il cherche son Isis dans le visage des élèves tutsis. Déesses pour les blancs, parasites pour les Hutus, les Tutsis du lycée essaient d'obtenir leur diplôme sans faire de vague pour qu'un jour elles ne soient plus ni hutus ni tutsis mais simplement des "évoluées".


Situé après l'indépendance du Rwanda et avant le génocide de 1994, le roman de Scholastique MUKASONGA dépeint les prémisses d'une haine larvée qui deviendra une guerre.
Cela commence comme une chronique bon enfant qui décrit la vie dans un lycée de jeunes filles catholique : l'arrivée en grande pompe des élèves le jour de la rentrée, le pèlerinage annuel à la Vierge du Nil, les amitiés, les cours, les professeurs...Mais très vite, on perçoit un malaise. Gloriosa, élève crainte et respectée, leader politique en devenir, cristallise les travers d'un pays qui se veut indépendant et démocratique mais favorise les Hutus, le "peuple majoritaire". On ressent l'opposition, la rivalité, la haine même que les Hutus portent aux Tutsis et qui va aller en grandissant tout au long de l'année scolaire. Les petites remarques acerbes deviendront des insultes plus crûes et dégénéreront en haine raciale, appel à la violence, voire au meurtre. Pendant que les élèves hutus appellent à l'épuration ethnique, rameutent leurs troupes et organisent le massacre, les blancs ferment pudiquement les yeux sur un conflit dont ils ont pourtant été les instigateurs, ayant bouleversé le système clanique traditionnel en place à l'époque de la colonisation et favorisé à tour de rôle un camp au détriment de l'autre, au gré d'obscures alliances politiques.
Roman fort, beau et puissant, Notre-Dame du Nil n'est malheureusement pas issu de la seule imagination de son auteure. Scholastique MUKASONGA s'est inspirée de de l'histoire de sa famille pour décrire un pays qui se déchire toujours. Et pourtant, on sent tout l'amour pour le Rwanda dans ce livre avec ses rites, ses traditions, ses croyances, ses paysages, ses gorilles...Un pays magnifique qui a connu l'horreur et qui mériterait une paix solide et durable.
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