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Critique de Parcequecmoi78


Un ouvrage nécessaire, brillant, intelligent, très documenté. L'implacable réalité des faits en République démocratique du Congo, encore de nos jours au XXIe siècle !

Didier Mukwege né au Congo belge en 1955, a beaucoup fait pour les femmes. Il est surnommé « l'homme qui répare les femmes ». Contrairement à la tradition congolaise, il est élevé comme ses soeurs, et non comme un enfant mâle roi. Tout jeune, il apprend le ménage, la cuisine, l'aide, l'entre-aide, l'égalité homme/femme au foyer. de cette éducation il gardera le respect de toute femme, au regard du courage maternelle. Il sera féministe avant l'heure, et n'hésitera pas, après des études en France et en Belgique, à revenir dans son pays d'origine en tant que gynécologue spécialisé dans les violences faites aux femmes, et victimes de sévices sexuels. Dès 1999, il ouvre un hôpital à Panzi, puis une annexe « la cité de la joie » avec la collaboration d'Eve Ensler (les monologues du vagin) pour accueillir les femmes réparées sans qu'elles soient obligées de retourner dans leur village, leur enfer. C'est également un centre de formation pour permettre aux femmes d'accéder à l'éducation, étape nécessaire pour s'en sortir. En parallèle, il ouvre la Maison Dorcas, un refuge pour les femmes qui ont des enfants nés d'un viol, ou des fistules incurables. Il ne se contente pas d'opérer et de réparer si c'est possible, les femmes violentées ; il essaie d'assurer leur remise en forme, leur éducation, leur formation. Il crée aussi un service juridique, ajout logique aux soins médicaux, un soutien psychologique, un mode de réinsertion socio-économique. Il prépare avec elles « le monde d'après ».

Au fil des années il développe des structures adaptées, puis se lance dans une grande campagne de sensibilisation pour alerter sur ce qui se passe encore de nos jours en République démocratique du Congo, et plus spécifiquement dans sa partie orientale. Il fait des discours partout dans le monde, fait voter des lois protectrices des femmes et punitives sur leurs agresseurs, écrit des livres pour dénoncer la violence. Il devient ambassadeur de la cause des femmes qui ont subi des violences sexuelles à travers le monde où il va s'apercevoir que ces faits ne sont pas réservés au Congo, qu'ils existent en Chine, au Japon, aux Etats-Unis, et même en France, en Europe. Il n'aura de cesse de faire entendre sa voix. En 2018, il obtient le prix Nobel de la paix, mais continue son combat, celui des femmes, qu'il porte en lui depuis toujours, malgré ses ennemis puissants et menaçants, malgré les exils, malgré les bombes, les saccages de son hôpital, malgré les menaces de mort à son encontre et à celle de sa famille. Sa notoriété est grandissante, il va s'en servir pour lever des fonds pour ses associations et la concrétisation de ses projets pour aider les survivantes, comme il les appelle.

Dans cet ouvrage, il nous décrit l'indicible, l'horreur, l'inhumanité, le viol considéré comme une arme de guerre, les raisons économiques au pillage des matières premières que renferme le Congo (or, diamant, lithium, uranium, cassitérite…), les liens étroits entre les viols et la localisation des gisements majeurs de minerai, l'enrichissement des pays voisins comme le Rwanda ou le Burundi qui viennent piller et s'en prendre aux femmes, les avilir, les détruire, les briser de l'intérieur. Il dénonce les dirigeants qui gouvernent et sévissent en toute impunité, la corruption, les états où les riches peuvent acheter leur liberté, où les crimes sexuels restent impunis. Il nous parle de ces femmes qui arrivent, blessées dans leur chair, si courageuses, de ces jeunes enfants abusées par des hommes sans foi ni loi, qui trouvent la force de parler, de ce jeune violeur multirécidiviste venu tout avouer, pleurant, mais se trouvant des excuses dans l'enrôlement par les militaires alors qu'il n'était qu'un gamin, sans regret ni remord pour ses crimes commis.

Nous voyons pourtant filtrer la lumière à travers les témoignages poignants. Les choses avancent lentement, mais grignotent chaque jour davantage de terrain, une lueur d'espoir se dessine. Après des années d'expériences, dont il nous fait part ici sans langue de bois, Didier Mukwege est persuadé que le changement passe par l'éducation des hommes, pas seulement les nouvelles générations plus enclines à entendre son discours, mais aussi les précédentes aux idées ancestrales ancrées, aux coutumes qu'on ne discute pas, aux rituels s'imposant comme une réalité encore en vigueur. Il reste du chemin à parcourir, rien n'est encore acquis. le combat continue, doit continuer, avec l'aide de toutes et de tous.

Merci Docteur Mukwege, vous nous ouvrez les yeux, et vous nous donnez envie de nous battre avec vous, pour une noble cause, juste, claire, évidente.
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