Guila Clara Kessous, artiste de lUnesco pour la Paix, donne vie, avec la participation de Francis Huster, à une vingtaine de témoignages courageux et autres textes engagés contre les violences sexuelles et misogynes écrits par de nombreuses personnalités américaines, auxquelles s'est jointe Antoinette Fouque. Publié une dizaine d'années avant le mouvement #MeToo, le recueil « Des mots pour agir contre les violences faites aux femmes », initié et dirigé par Mollie Doyle et Eve Ensler, autrice du classique féministe « Les Monologues du vagin », est composé dans sa version audio des textes de Maya Angelou, Periel Aschenbrand, Kimberlé Crenshaw, Nicole Burdette, Edwige Danticat, Dave Eggers, Jane Fonda, Christine House, Marie Howe, Michael Klein, Winter Miller, Kathy Najimy, Taslima Nasreen, Lynn Nottage, Sharon Olds, Hanan al-Shaykh et Betty Gayle Tyson. /
Les bénéfices générés par la vente de ce livre audio, ainsi que les cachets des interprètes, seront intégralement reversés à La Cité de la joie, refuge fondé en République démocratique du Congo par Eve Ensler et le Dr. Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, pour être un lieu de réparation pour les femmes victimes de viol de guerre. /
Ce livre audio, disponible en streaming et en téléchargement depuis le 10 février 2021, sortira sous format de CD MP3 au début du mois mars 2021, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. /
Le recueil intégral, en édition française augmentée, traduite de l'anglais américain par Samia Touhami, a paru en 2009 aux éditions des femmes-Antoinette Fouque. /
Directrice artistique : Francesca Isidori.
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[Le clitoris] est le seul organe du corps humain fait purement pour le plaisir. Le clitoris n’est qu’une simple boule de nerfs. Huit mille terminaisons nerveuses, pour être tout à fait précis. C’est la plus forte concentration de terminaisons nerveuses qu’on puisse trouver dans tout l’organisme. Plus que le bout des doigts, plus que les lèvres, plus que la langue et deux fois plus, je dis bien DEUX FOIS PLUS que le pénis. Alors, je vous le demande : qui voudrait d’un fusil à un coup quand on a en sa possession une mitraillette ?
Je dis "vagin" parce que j'ai lu les statistiques. Partout les vagins subissent de mauvais traitements. Des centaines de milliers de femmes sont violées chaque année dans le monde. Cent millions de femmes ont subi des mutilations génitales. La liste est longue. Je dis "vagin" parce que je veux que cessent ces horreurs. Et je sais qu'elles ne cesseront pas tant que nous n'admettrions pas qu'elles existent. Et le seul moyen de le savoir, c'est de permettre aux femmes de parler sans peur d'être punies ou sanctionnées.
"Le clitoris n'est qu'une simple boule de nerfs ; huit mille terminaisons nerveuses pour être tout a fait précis .C'est la plus forte concentration qu'on puisse trouver dans tout l'organisme .
Plus que le bout des doigts , plus que les lèvres , plus que la langue et deux fois plus - je dis bien DEUX FOIS PLUS - que le pénis . Alors je vous le demande :
qui voudrait d'un fusil à un coup quand on a en sa possession une mitraillette ?"
Au cours d’un procès en sorcellerie en 1593, le magistrat instructeur — un homme marié – découvrit pour la première fois l’existence du clitoris. Il l’identifia comme étant un mamelon du diable, preuve irréfutable de la culpabilité de la sorcière. C’était une « petite excroissance de chair, pointant à la manière d’un mamelon, et longue d’un demi-pouce ». Et ledit magistrat « l’ayant aperçue au premier coup d’œil, quoique sans regarder de trop près cependant, car jouxtant endroit si ténébreux que point n’est décent d’y porter le regard. Mais ne voulant pas, finalement, garder par-devers soi découverte si étrange », la montra à divers assistants. « Lesquels assistants déclarèrent n’avoir jamais vu chose semblable. » Et la femme fut condamnée comme sorcière.

Et puis est arrivé le moment que j'attendais et redoutais à la fois. La femme qui animait l'atelier nous a demandé de ressortir nos miroirs de poche et de voir si nous pouvions repérer notre clitoris. On était toutes là, sur le dos, sur nos tapis bleus, à essayer de trouver nos marques, nos repères, notre logique, et je ne sais pas pourquoi, je me suis mise à pleurer. Peut-être était-ce simplement la gêne. Peut-être était-ce à l'idée que j'allais devoir renoncer à cette chimère, folle et dévorante, que quelqu'un ou quelque chose guidait ma vie, décidait de ses orientations et me donnait des orgasmes. Je vivais dans un monde à part, plein de magie et de superstition. Cette recherche du clitoris, dans cet atelier insensé, sur ces matelas bleus, rendait tout ça réel, beaucoup trop réel. Je sentais venir la panique. Et simultanément, l'angoisse et la prise de conscience que, si je m'étais empêchée de trouver mon clitoris, c'est parce que, en fait, j'avais toujours été terrifiée à l'idée que je n'en avais pas, terrifiée à l'idée d'être une de ces bonnes femmes viscéralement impuissantes, une de ces femmes frigides, mortes, closes, sèches, avec un goût de vieil abricot - oh mon dieu ! j'étais là, allongée, le miroir à la main, à la recherche de ce point névralgique, tâtonnant avec mes doigts, mais je ne pensais qu'à une chose. À dix ans, j'avais perdu une bague en or avec des petites émeraudes en me baignant dans un lac. J'avais plongé et replongé, passant mes mains au fond sur des pierres, des poissons, des vieilles capsules, sur des trucs visqueux, mais jamais sur ma bague. J'avais ressenti une de ces paniques. Je savais que j'allais être punie.
La femme qui dirigeait l'atelier s'est aperçue de mon agitation désespérée, je suais, haletante. Elle s'est approchée de moi. Je lui ai dit : «J'ai perdu mon clitoris. Il a glissé. J'aurais pas dû nager avec.»
Mon vagin, village vivant, doux et chaud.
Ils t’ont envahi. Massacré.
Incendié.
Je ne peux plus te toucher.
Je ne peux plus venir te voir.
J’habite ailleurs à présent.
Ailleurs. Mais je ne sais pas où c’est.
Je lui ai dit : "j'ai perdu mon clitoris. Il a glissé. J'aurais pas dû nager avec." Elle a éclaté de rire. Doucement, elle m'a caressé le front. Elle m'a dit qu'un clitoris, ça ne se perdait pas comme ça. Qu'il était moi, qu'il était mon essence même. Qu'il était tout à la fois la sonnette de ma maison et ma maison elle-même.
J’ai interviewé des femmes bosniaques dans des camps de réfugiés pendant la guerre en ex-Yougoslavie.
Vingt à soixante-dix mille femmes avaient été systématiquement violées, sous prétexte de tactique de guerre, en plein milieu de l’Europe, en 1993. Il est très choquant que si peu de gens aient essayé d’y mettre un terme. Cela dit, cinq cent mille femmes sont violées tous les ans dans notre pays et nous ne sommes pas en guerre, enfin, théoriquement.
Alors qu'advient-il de la passion et de l'intensité des hommes ? Elle est redirigée, canalisée dans la domination, l'agressivité et la compétition.
J'ai parlé à des femmes vieilles, jeunes, mariées, célibataires, lesbiennes, à des professeurs, des actrices, des femmes d'affaires, des prostituées, des noires, hispaniques, asiatiques, indiennes, blanches, juives.
Au début, les femmes hésitaient à parler. Mais une fois qu'elles étaient parties, on ne pouvait plus les arrêter...