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Critique de oblo


Lorsqu'à la fin de l'Affaire USA, Alack Sinner est pris à partie par son futur gendre, on se dit que cet homme sera décidément toujours aux prises avec l'humanité. Dans ce deuxième tome de l'intégrale, on retrouve quatre albums fort différents entre eux qui continuent d'écrire une autre histoire de l'Amérique : celle des barbouzes, celle des agences secrètes, celle des rednecks aussi. le dessin de José Munoz garde une grande qualité, s'affinant parfois pour flirter - de loin seulement - avec le comics, tout en conservant ses caractéristiques premières : blancs et noirs tranchés, figures humaines taillés à la serpe, découpage et cadrage parfois déroutant.

Sinner est-il encore détective ? Oui ... et non. Il l'est quand les siens sont en danger : sa fille Cheryl enlevée par des mafiosi, sa soeur Toni enlevée et séquestrée par un Français amateur de photographie et de masochisme. Il l'est aussi quand on l'engage : ainsi en va-t-il de Jill Oates, ancienne compagne de Frank Sinatra croisée dans le premier tome de l'intégrale, devenue une femme d'affaires plutôt gênantes pour le gouvernement. Sinner est aussi un observateur du monde en mouvement. Dans l'album Nicaragua, il est un témoin privilégié de la lutte diplomatique - mais pas seulement - qui a lieu entre le gouvernement des Etats-Unis et les sandinistes nicaraguayens. Là comme ailleurs, Sinner se tient toujours derrière le rideau des apparences : les tensions politiques n'empêchent pas les amours habituelles (avec une Nicaraguayenne), elles n'empêchent pas les tensions père-fille, elles développent même, parfois, les absurdités de la vie quotidienne (ainsi quand sa fille, encore très jeune, est qualifiée de communiste à l'école).

Ce qu'il y a derrière les choses semble bien constituer un fil rouge pour ces histoires d'Alack Sinner. Avec cet homme qui n'a rien d'un héros, on devine les dessous de la vie politique internationale classique comme ceux d'une vie politique clandestine où tout se joue dans les zones grises (L'affaire USA). Sinner donne aussi à voir l'Amérique profonde, conservatrice, qui regarde l'étranger d'un drôle d'oeil. A priori, cette Amérique-là n'a rien à voir avec New York où tous ses mêlent. Mais les bas-fonds restent les bas-fonds, qu'ils soient urbains et pluvieux ou ruraux et ensoleillés. Sinner part en bus dans un long trip pour retrouver Sophie, pour laquelle il avait retrouvé son frère boxeur, mais il doit pour cela affronter les mesquineries et des dangers plus réels. Les voyages ne réussissent décidément pas à Sinner qui, même lorsqu'il part pour Paris, s'y trouve confronté à la perversité des hommes (Histoires privées).

Au registre des critiques négatives, il y a toujours cette narration déroutante, dont on perd parfois le fil. le propos reste noir, indéniablement, mais Sinner, en tant que personnage, s'efface presque derrière les thèmes choisis par les auteurs. Il est un observateur de son monde, certes, mais surtout un simple médiateur entre les auteurs et le lecteur. En d'autres termes, Alack Sinner perd de sa substance et, donc, de sa profondeur dans cette intégrale. Avec ces quatre albums, Alack Sinner n'est plus tant un roman (graphique) noir sur l'Amérique, mais plutôt un portrait sombre de celle-ci, dessiné par un personnage principal qui subit les événements plutôt qu'il ne les façonne.

Des années 1980 aux années 2000, Alack Sinner continue de nager dans un océan d'immondices. Il a toujours ses bouées - Cheryl, Sophie, et même son ami Nick Martinez qui a quitté la police - et, en 2004, il est toujours vivant, détective recyclé en grand-père aimant. L'Amérique est violente, l'Amérique est cynique, mais au final, l'Amérique est belle, et familiale. Mais cela, ce sont les apparences, n'est-ce pas ?
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