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Critique de Ingannmic


C'est toujours avec plaisir que je lis Haruki Murakami. Il fait partie de ces écrivains que je retrouve de temps en temps, comme une vieille connaissance dont la fréquentation, même sporadique, suscite immédiatement un sentiment de familiarité et d'apaisement.

A la lecture de ses romans, j'ai souvent tendance, de manière inconsciente, à imaginer ses principaux personnages masculins sous les traits de l'auteur, sans doute parce que la physionomie d'Haruki Murakami exprime une sorte de tranquillité, d'intelligence et d'aptitude à l'introspection qui rappellent la personnalité de ses héros.



Tsuruku Tazaki possède lui aussi ces caractéristiques. Réfléchi, très discret, paisible, il l'est au point de se sentir vide, "incolore", notamment lorsqu'il se compare aux quatre lycéens avec lesquels il formait jadis un groupe d'amis quasi fusionnel, chacun d'entre eux portant un nom de couleur -Blanche et Noire pour les filles, Rouge et Bleu pour les garçons- et affichant une personnalité bien marquée. le nom de Tsuruku signifie "celui qui bâtit". Un nom prédestiné, puisque ce passionné de gares est devenu ingénieur pour une grande compagnie ferroviaire.

Il n'a pas revu ses quatre amis depuis qu'il est parti faire ses études à Tokyo, seize ans auparavant.
Eux sont alors restés dans leur ville d'origine, Nagoya. Un jour, ils lui ont froidement annoncé ne plus vouloir avoir aucun contact avec lui, ce dont il a pris acte sans chercher à en savoir plus, sans contester cette incompréhensible et violente décision. Il en a pourtant profondément souffert, plongeant dans une dépression qui l'a conduit, ainsi qu'il l'exprime lui-même, aux portes de la mort. A l'issue de cette période, il est devenu un autre. Ses yeux se sont emplis de "la lumière d'un homme qui aspire à la paix à l'intérieur de son propre petit espace et qui ne souhaite aller nulle part ailleurs", il a perdu la foi dans les communautés parfaites. Pour survivre, il a adopté une routine bien réglée, faite de petits gestes du quotidien exécutés avec une précision métronomique, s'appliquant à ne se ménager aucun temps libre...

A l'aube de la quarantaine, il vit seul. Son travail lui convient, il est respecté par ses supérieurs, il s'entend bien avec ses collègues. Il a connu quelques aventures avec des femmes qu'il a appréciées, mais il n'a pas trouvé le bon équilibre entre lui et le monde. C'est comme si, en manque d'un lieu intime et sans perturbations, en manque de quelqu'un à qui se confier, il vivait sans exister. Sa solitude, son insignifiance lui laissent penser qu'il n'a rien à offrir aux autres, ni à lui-même.

C'est alors qu'il rencontre une femme, pour laquelle il ressent enfin un véritable attachement. Mais avant de s'engager, il doit résoudre le mystère de cette ancienne rupture qui a laissé en lui un gouffre de tristesse, et l'empêche de s'épanouir.

La trame des romans de Murakami est toujours tissée de connexions diverses, d'histoires annexes, souterraines, s'invitant dans l'intrigue principale, s'y insérant avec souplesse pour former un ensemble harmonieux, même si l'on ne comprend pas toujours comment tient la cohérence de l'ensemble. Il y survient des événements subtilement fantastiques, portés par des personnages secondaires qui disparaissent comme ils sont apparus, laissant en suspens le mystère de leurs histoires singulières, et qui imprègnent le récit d'une tessiture irréelle... de même, les rêves, d'une prégnance qui les rend crédibles, occupent une place importante dans ses histoires, s'immisçant dans la réalité de ses personnages avec la consistance d'une brume persistante, mystérieuse, et vaguement inquiétante.

La violence, le drame, bien que présents, sont toujours nimbés d'une sorte de voile qui en atténue la force, car les héros de Murakami semblent capables d'une prise de distance avec eux-mêmes que l'on dirait induite par une sorte de modestie tacite, acquise par leur conscience instinctive du poids dérisoire de leur existence au regard de l'infinitude du monde. Ils sont ainsi pourvus d'une maturité et d'une ouverture d'esprit qui les amènent à vouloir comprendre les autres avec une ouverture d'esprit qui n'admet ni tabou, ni rejet, et à se colleter avec leur propre intériorité en toute sincérité, même si c'est douloureux...

J'ai retrouvé avec "L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage" tout ce qui fait le charme des romans de Murakami, la musicalité simple et légère, l'atmosphère doucement surnaturelle, les personnages que l'on aimerait avoir comme amis...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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