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Critique de Oliv


Oliv
06 novembre 2018
Je me demande si le Joker n'est pas mon personnage de BD préféré, tous genres confondus. "White Knight" signé Sean Murphy, qui officie à la fois en tant que scénariste et dessinateur, part d'une idée particulièrement alléchante : faire de l'habituel ennemi de Batman le gentil de l'histoire ! Pour la première fois dans un comics, celui-ci a une identité : sous le maquillage de clown, l'homme s'appelle Jack Napier. Guéri de ses troubles mentaux grâce à des pilules miraculeuses, le génie du crime devient un génie tout court qui décide de se racheter une conduite au service de la ville de Gotham. Se découvrant une vocation politique, Napier s'érige en porte-parole de la multitude qui ne possède pas grand-chose contre la minorité des possédants, ces derniers ayant déjà leur propre héraut : Batman...

Sean Murphy prend un malin plaisir à renverser les rôles traditionnels du gentil et du méchant, et met en évidence le fait que le Joker et Batman sont des alter ego, l'un ne pouvant exister sans l'autre. Cela est illustré par la fascination du Joker pour son meilleur ennemi, l'auteur suggérant une tendance homo-érotique assumée par l'un, rejetée par l'autre. Napier tend un miroir à Gotham et à son premier protecteur en particulier, il démontre que la frontière entre le bien et le mal est plus floue qu'il n'y paraît, met le doigt sur les problèmes pratiques et moraux du vigilantisme, pose la question de la légitimité des héros se plaçant au-dessus des lois... Bien sûr, ce n'est pas la première histoire de super-héros à aborder de tels sujets, loin de là, mais c'est toujours appréciable, et il s'agit d'un des principaux atouts de "White Knight".

J'aurais toutefois aimé que Sean Murphy pousse sa logique à fond, qu'il prenne plus clairement le parti de faire de Batman un véritable ennemi du peuple, une créature des ultra-riches et de ceux qui détiennent le pouvoir (personnalités politiques, médias, police...) prospérant grâce à la détresse de ceux qu'il prétend défendre. Mais finalement, sans trop en révéler sur le cheminement de l'intrigue, on retombe sur un propos plus modéré, moins accablant pour le Chevalier Noir, comme si l'auteur (ou ses éditeurs ?) n'avait pas osé trop égratigner l'idole. Après des premiers chapitres brillants, j'ai eu l'impression de revenir petit à petit dans un schéma plus convenu : une grave menace pesant sur Gotham, le plan machiavélique d'un super-vilain, l'association de héros et de policiers pour sauver ce qui peut l'être... L'action ne faiblit pas, les derniers chapitres restent prenants, mais sont un peu décevants malgré tout au vu du postulat de départ. J'aurais préféré assister à un peu plus de manoeuvres politiques et médiatiques, et à un peu moins d'explosions et de courses-poursuites – bien que ces dernières soient sublimées par le talent de Sean Murphy, qui excelle dans la représentation de beaux véhicules en action... Et pas seulement.

Car d'un point de vue graphique, on est dans le haut du panier. Je n'avais rien lu de Sean Murphy jusqu'à présent mais il possède un sens certain de la mise en scène et n'est pas du genre à bâcler une case. Chaque planche fourmille de détails. C'est le type de BD qui se déguste plus qu'elle ne se dévore. Mais elle n'est sans doute pas une porte d'entrée idéale pour s'initier au Batverse : le récit ne manque pas de références parfois ironiques, de clins d'oeil aux fans... Quel plaisir de retrouver réunis à la même table les super-vilains les plus emblématiques de Gotham ! Même si là encore, le potentiel n'est pas tout à fait exploité puisque le Pingouin, Bane, le Sphinx et les autres restent cantonnés à l'état de flingueurs interchangeables. Ce n'est pas le cas de Harley Quinn, qui se voit octroyer un rôle de premier plan tout au long du récit, lequel apporte en outre une explication logique et astucieuse à sa transformation de l'Arlequin classique des années 90 à l'actuelle bimbo en mini-short.

Je ne suis pas suffisamment spécialiste pour savoir si "White Knight", ainsi que le prétend la quatrième de couverture, a le potentiel pour faire son entrée parmi les grands classiques de Batman. Il a assurément pour lui son esthétisme et déborde d'idées enthousiasmantes, même si la démarche n'est pas assez jusqu'au-boutiste à mon goût. En tout cas, il fait partie des comics que je relirai très volontiers.
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