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Critique de jvermeer


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En cette fin du mois d'août 1889, Vincent van Gogh ne va pas bien…
Depuis plusieurs mois, il est enfermé à l'hospice de Saint-Rémy-de-Provence, dans ce Midi où il était arrivé il y avait seulement un an et demi. Il veut repartir vers le Nord. le soleil ne lui réussit pas… Il ne le sait pas encore, dans huit mois, en mai 1890, il reprendra le train pour Auvers-sur-Oise, une commune de la région parisienne, où il retrouvera le docteur Gachet qui sera chargé par son frère Théo de s'occuper de lui.

L'artiste vient de sortir d'une longue et violente crise. Ne pouvant sortir, il travaille d'arrache-pied dans sa chambre : « Je laboure comme un vrai possédé. J'ai une fureur sourde de travail plus que jamais. Et je crois que ça contribuera à me guérir. Peut-être m'arrivera-t-il une chose comme celle dont parle Eugène Delacroix : « J'ai trouvé la peinture lorsque je n'avais plus ni dents ni souffle ».
N'ayant pas de modèles, il demande à son frère Théo de lui envoyer des gravures en noir et blanc de ses peintres préférés. Parmi celles-ci, il entreprend de copier les travaux des champs, dont « le Semeur » de Jean-François Millet. Il ne veut pas faire de simple copie des toiles du peintre mais souhaite en faire une interprétation personnelle : sa propre musique…

Jean-François Millet a toujours été un des peintres favoris de Vincent van Gogh. Il admire cet artiste. Celui-ci occupe une place essentielle comme modèle artistique dans son idéalisation de la vie rustique et laborieuse des paysans, une sorte de poésie de la vie rurale. En 1884, il avait écrit à Théo : « pour moi Millet est ce peintre moderne incontournable qui a ouvert l'horizon à beaucoup ». Il fut une source d'inspiration pour Van Gogh lorsqu'il peignit son premier chef-d'oeuvre « Les mangeurs de pommes de terre » dans lequel il voulait exprimer pleinement ce qu'il voyait : « des petites gens, mangeant avec leurs mains à même le plat des patates dont ils avaient eux-mêmes bêché la terre, une récompense de leur dur labeur. »

Vincent se met au travail de copiste et écrit à Théo le 20 septembre 1889 :
« Un tas de gens ne copient pas, un tas d'autres copient – moi je m'y suis mis par hasard et je trouve que cela apprend et surtout parfois console. Aussi alors mon pinceau va entre mes doigts comme serait un archet sur le violon et absolument pour mon plaisir.
Je pose le blanc et noir de Delacroix ou de Millet, ou d'après eux, devant moi comme motif.
Et puis j'improvise de la couleur là-dessus, mais bien entendu pas tout à fait étant moi, mais cherchant des souvenirs de leurs tableaux - mais le souvenir, la vague consonance de couleurs qui sont dans le sentiment sinon justes - ça c'est une interprétation à moi.
Tu seras surpris quel effet prennent les travaux des champs par la couleur, c'est une série bien intime de lui.
Je voudrais bien voir des reproductions de Millet dans les écoles, je crois qu'il y aurait des enfants qui deviendraient des peintres si seulement ils voyaient des bonnes choses. »

En cet automne 1889, Vincent copie une douzaine de toiles de Millet qui sont exceptionnelles de qualité. Mélancolique, il écrit à Théo : « J'ai commencé ce matin « Les Bêcheurs » sur une toile de 30. Sais tu que cela pourrait être intéressant de chercher à faire les dessins de Millet en peinture, ce serait une collection de copies toute spéciale. Peut-être moi je serais plus utile en faisant cela, que par ma propre peinture. »

Van Gogh peint le célèbre « Semeur » de Millet. Sa peinture s'est libérée en Provence : contrastes de couleurs vives de jaune et de violet, lignes diagonales traversant l'image et des grandes zones de couleur plates inspirées des estampes japonaises. Un semeur moderne.

Je meurs d'envie de montrer en partie le texte d'Octave Mirbeau qui en parle superbement dans L'écho de Paris le 31 mars 1891. On ne peut faire une plus belle analyse du travail de l'artiste :
« Dans « le semeur », de Millet, rendu si surhumainement beau par Van Gogh, le mouvement s'accentue, la vision s'élargit, la ligne s'amplifie jusqu'à la signification du symbole. Ce qu'il y a de Millet demeure dans la copie ; mais Vincent van Gogh y a introduit quelque chose à lui, et le tableau prend bientôt un aspect de grandeur nouvelle. Il ne pouvait pas oublier sa personnalité, ni la contenir devant n'importe quel spectacle et n'importe quel rêve extérieur. Elle débordait de lui en illuminations ardentes sur tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il touchait, tout ce qu'il sentait. Aussi ne s'était-il pas absorbé dans la nature. Il avait absorbé la nature en lui ; il l'avait forcée à s'assouplir, à se mouler aux formes de sa pensée, à le suivre dans ses envolées, à subir même ses déformations si caractéristiques.
Van Gogh a eu, à un degré rare, ce par quoi un homme se différencie d'un autre : le style. Dans une foule de tableaux, mêlés les uns aux autres, l'oeil, d'un seul clin, sûrement, reconnaît ceux de Vincent van Gogh. (…) Et tout, sous le pinceau de ce créateur étrange et puissant, s'anime d'une vie étrange, indépendante de celle des choses qu'il peint, et qui est en lui et qui est lui. »

https://www.wikiart.org/fr/vincent-van-gogh/sower-after-millet-1889

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