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Critique de steka


Ne se préoccupant nullement d'avantages financiers ou de célébrité, Musil passa les 20 dernières années de sa vie à travailler sur ce roman, finalement inachevé et probablement inachevable. Roman philosophique, d'analyse historique et sociologique mais aussi roman de la réalité individuelle et de la conquête de liberté, L'homme sans qualités décrit le basculement d'un monde (le notre) dans ce que certains ont appelé la modernité. Parler d'intelligence au sujet de Musil ne pourrait être qu'un euphémisme et ce livre mérite tous les efforts et le temps nécessaire à sa lecture.
"Il n'est malheureusement rien d'aussi difficile à rendre, dans toutes les belles-lettres, qu'un homme qui pense. Un grand découvreur à qui l'on demandait comment il s'y prenait pour avoir tant d'idées neuves répondit : en ne cessant d'y penser. On peut bien dire, en effet, que les idées inattendues ne se présentent à nous que parce que nous les attendons."
Il serait fort difficile de faire un compte rendu des multiples sujets abordés et analysés par Musil dans cet ouvrage; toutefois, je m'étonne du peu d'intérêt porté, généralement, à la relation tout à fait hors du commun, d'Ulrich avec sa soeur Agathe, à sa signification. Car voilà pourtant ce qui, dans un climat de fin d'époque et emprunt de désabusement, laisse envisager quelque chose de tout à fait différent et porteur de dépassement. Cette relation s'appuie sur une sévère critique de la sphère familiale et de son hypocrisie sociale, ce qui explique peut-être le mutisme de certains "admirateurs" à ce sujet. Ainsi, « La vie dans la famille n'est pas la vie pleine ; les jeunes gens se sentent si frustrés, diminués, distraits d'eux-mêmes quand ils sont dans le cercle de famille. » Remarque qui peut paraitre en soi extrêmement banale mais fort caractéristique de la manière dont Musil met les pieds dans le plat sans y paraitre ; car qui cherche à approfondir ce genre de constat qui pourtant signe l'échec fondamental de la famille. «La famille leur a bu leur sang ». Aussi, « ce Moi collectif n'est qu'un égoïsme collectif ».
Avec les âmes soeurs surgit donc l'absolu qui dès l'abord semble associé indissolublement à l'éphémère et donc à l'essence même de la poésie. En contradiction avec la famille qui ne se conçoit que perdurant à tout prix et dans toutes les compromissions. On voit donc bien là Musil tentant de poser les bases d'un nouveau type de relations humaines, où l'individualité et l'indépendance ne seraient pas en contradiction avec le lien et la redevabilité sociale, ni d'avec l'appartenance; un nouveau type de communauté humaine.
« Mais, quand elle se fut enfin représenté cette évolution des concepts avec tous les détails qu'Ulrich put ajouter, savoir beaucoup de choses lui sembla charmant, après lui avoir paru si longtemps, à cause des expériences de sa vie, méprisable. »
Ah mince, il est vrai que nous en sommes, actuellement, toujours aussi loin !
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