Ce n'est probablement pas sans raison que dans les époques dont l'esprit ressemble à un champ de foire, le rôle d'antithèse soit dévolu à des poètes qui n'ont rien à voir avec leur époque. Ils ne se salissent pas avec les pensées de leur temps, produisent une sorte de poésie pure et parlent à leurs fidèles dans le dialecte mort de la grandeur, comme s'ils n'avaient quitté l'éternité que pour un bref séjour sur terre, ainsi qu'on voit un homme, parti trois ans auparavant pour l'Amérique, écorcher déjà sa langue maternelle lorsqu'il revient faire un séjour au pays. C'est un peu comme si l'on posait au-dessus d'un trou vide, par compensation, une coupole vide; comme la viduité sublime n'est que l'agrandissement de la viduité ordinaire, il est en fin de compte bien naturel qu'à une époque où l'on vénère les personnalités succède une époque où l'on tourne carrément le dos à tout ce qui sent la grandeur et la responsabilité.
C’est aussi comme si on avait deux destins : l’un actif et secondaire, qui s’accomplit, l’autre inactif mais essentiel, que l’on ne connaît jamais.
La vie dans la famille n’est pas la vie pleine ; les jeunes gens se sentent si frustrés, diminués, distraits d’eux-mêmes quand ils sont dans le cercle de famille.
Le monde est beau quand on le prend tel qu’il est.
Notre esprit a perdu le sens de l’unité.
Mais, quand elle se fut enfin représenté cette évolution des concepts avec tous les détails qu’Ulrich put ajouter, savoir beaucoup de choses lui sembla charmant, après lui avoir paru si longtemps, à cause des expériences de sa vie, méprisable.
Il lui suffisait que l'affreux incident pût être intégré ainsi dans un ordre quelconque, et devenir un problème technique qui ne la concernait plus directement.
Tu vois une voiture ; et d’une certaine manière, tu vois en même temps, comme une ombre, la phrase : "Je vois une voiture". Tu aimes, ou tu es triste, et tu vois que tu l’es. A strictement parler, néanmoins, ni la voiture, ni ta tristesse, ni ton amour, ni toi-même n’êtes entièrement là. Rien n’est plus là entièrement dès que tu as réussi à être une "personnalité". Il ne reste plus qu’un mince fil de conscience de soi et de trouble amour-propre, qu’enveloppe une vie tout à fait extérieure.
Aujourd’hui, où tu te crois en pleine possession de toi-même, si tu te demandes qui tu es, en fin de compte, tu découvriras que tu te vois toujours de l’extérieur, tel un objet.
La vie prétendue « pleinement vécue » est en vérité absurde, comme un entassement d’objets que n’organise aucune aspiration supérieure : une abondance sans plénitude, le contraire de la simplicité, une confusion que l’on accepte avec la joie de la routine.