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Critique de Danage


Me Suzane est une avocate issue d'un petit milieu, modeste, bordelaise, célibataire, sans enfants, d'une quarantaine d'années, fille unique, mal dans sa peau.


Gravitent autour d'elle :

- Gilles Principaux, qui entre dans son cabinet et lui demande de défendre son épouse, Marlyn, en détention pour avoir noyé leurs trois jeunes enfants, avant de les coucher dans leur lit, comme s'ils dormaient.
Voir ou revoir cet homme est un choc terrible pour Me Suzane, qui croit avoir vécu avec lui, alors qu'elle avait 10 ans, et lui 4 ou 5 années de plus, une journée, dans sa chambre (à lui), qui a marqué tous ses choix : sa vocation, son côté un peu décalé… Que s'est-il passé dans la chambre du jeune garçon ? Elle ne s'en souvient pas et oscille entre sentiment de fierté (elle, la fille de la repasseuse, lui, le fils de famille bourgeoise), et horreur.
On ne le saura jamais.
On ne saura pas davantage pourquoi l'épouse a commis le pire.


- Ses parents, M. et Mme Suzane, qui l'aiment inconditionnellement avant de la chasser de leur existence, en raison de l'obsession de Me Suzane pour ce Gilles Principaux. Etait-ce dans sa famille que sa mère travaillait ? Est-ce vraiment lui, « le » garçon ?


- Sharon, une Mauricienne sans papiers, dont elle veut absolument régulariser la situation, mariée, deux enfants, sa femme de ménage, distante, ce qu'elle regrette amèrement.


- Rudy, son ex (la séparation l'a soulagée), et la fille de Rudy, Lila, qui va de temps en temps chez Mme Principaux mère, avec Shanon, ce qui rend Me Suzane (qui aime Lila comme sa propre fille) un peu (plus) dingue


- Un client qui veut que Me Suzane prouve que son nom était associé à une famille de négriers


* * *


Curieux roman.


Qui mêle de très belles formules
« Qu'est-ce qui avait pu inciter, se demandait-elle, un homme aisé, ravagé mais lucide, à élire Me Susane pour la défense de sa femme, si ce n'était, peut-être, une brumeuse, superstitieuse allégeance aux lumineux instants que l'existence avait offerts ? »
« Qu'avait elle donc fait, dans cette chambre, qui provoquât à son encontre le dégoût du garçon comme celui du père qui spéculait ?
N'y avait-il pas là une contradiction ?
Ce qu'elle avait fait aurait pu exaucer le garçon et offenser le père, ou désappointer le garçon et offenser le père, mais comment comprendre qu'elle se fût attirer l'antipathie des deux… »


A des litanies bien lourdingues, qui multiplient les conjonctions de coordination.
Ainsi, le long monologue de Marlyne Principaux, entre la page 128 et la page 134 compte plus de 250 « mais » (merci aux petites mains mais aux grands cerveaux qui ont eu le courage de compter).
Suivent les « car » du monologue de Gilles Principaux.

Le livre est fait de monologues, intérieurs, ou formalisés, sans chapitre, sans découpe claire…


* * *


Curieux titre. « La vengeance m'appartient ». Qui parle ? L'avocate traumatisée, peu à l'aise dans son nouveau milieu social, confrontée à l'auteur – peut-être de son traumatisme ? L'épouse écrasée par ce même homme, devenue matricide ? La femme de ménage ? Ou… la Ville de Bordeaux, ses négriers, ses clivages sociaux, ses ponts que l'on ne franchit pas… Me Suzane demande en vain à sa femme de ménage de l'appeler par son prénom, mais l'on ignore ce prénom, l'on sait juste qu'il commence par un H... Dieu, tout simplement ? le Deutéronome 32:35 « La vengeance m'appartient, et la rétribution, pour le temps où leur pied chancellera; car le jour de leur calamité est proche, et les choses qui doivent leur arriver se hâtent ».


* * *


Curieux dénouement qui n'en est pas un, pour un livre aussi plaisant qu'agaçant, obsédant. "Les choses qui doivent leur arriver se hâtent". Je me suis "hâtée", j'ai tourné les pages, je ressors de cette nébuleuse l'esprit embrumé, marqué par cette lecture atypique, et reconnaissante (merci encore aux amis qui me l'ont offerte).
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