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Critique de Selenacht


Singulier "Retour en Gaule" qui s'arrête en Ligurie ! Rutilius Namatianus, poète connu par ce seul texte, y retrace son voyage jusqu'en Gaule, entrepris en 417, à la fin d'une carrière d'honneurs sous l'empereur Honorius – époque tardive, donc, les barbares menacent déjà l'Empire romain, et c'est d'ailleurs à la suite de l'invasion de l'Aquitaine par les Wisigoths qu'il retourne en Gaule, sa terre natale. Aussi bien son récit, au réalisme bercé de poésie, évoque-t-il souvent l'histoire récente de l'Empire et à sa situation politique – allusions expliquées et resituées par l'introduction et les notes, nombreuses et précises, qui permettent au lecteur de se repérer dans une époque souvent moins bien connue.
L'un des intérêts du texte tient ainsi à l'aperçu historique qu'il offre, notamment sur le brassage des peuples et des religions – l'Empire romain étant le modèle de syncrétisme et d'intégration que l'on sait. Dans le poème de Rutilius Namatianus, cela passe d'ailleurs moins par l'anecdote ou le commentaire que par l'identité même de l'auteur et les portraits qu'il dresse de ses amis "gaulois". Tous sont au fond de parfaits Romains par les valeurs qu'ils incarnent et dont le poète fait l'éloge : honnêtes et moralement irréprochables dans leurs fonctions publiques, alliant fermeté et bienveillance dans leurs rapports aux peuples conquis, cultivant au quotidien les valeurs de l'amitié, ils correspondent en tout point au portrait du Romain idéal.
C'est d'ailleurs le plus surprenant dans ce texte : les lieux communs de la période classique, sont revisités avec sincérité et, sans doute, colorés par la sensibilité propre de l'auteur, mais restent essentiellement identiques à ce qu'ils étaient cinq siècles plus tôt – si bien que le poème a des allures d'exercice de style à plus d'une reprise. Aussi est-ce le disparate du récit que l'on risque d'abord de juger le plus plaisant : aux descriptions poétiques de telle aube ou de tel paysage succède ici quelque interrogation plus scientifique sur les salines, là le portrait d'un ami admirable, ailleurs la verte invective contre les hommes corrompus qui livrent l'Empire à l'ennemi. le lecteur peut être séduit par l'aspect tout à la fois léger et érudit de cette chronique sans prétention, sinon sans ambition, comme il le serait par une conversation pleine d'esprit. du même raffinement relève le beau cahier d'illustrations offert à la fin du texte, et qui reproduit photos ou illustrations du ciel (constellation, Lune), en écho aux descriptions, tantôt purement poétiques, tantôt plus érudites, de Rutilius Namatianus.
Pour ma part, c'est finalement en tant que dernier regard sur une ville, LA ville (Urbs), et son paysage aimés que ce poème trouve son plus grand charme. Peu importe que nous n'entrions pas en Gaule, sans doute parce que le manuscrit qui nous est parvenu est incomplet : de l'éloge de Rome, en ouverture, aux soigneux détails sur les paysages, en passant par les valeurs du "vieux Romain" mythique et la reprise de motifs littéraires bien (trop) connus, c'est bien le regret du départ qui se lit vers après vers. Plutôt que de le déplorer, Rutilius Namatianus choisit de célébrer ce qu'il quitte.
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