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Critique de likeabird



Ramita Navai, journaliste pour le Times de Londres et native de d'Iran, décrit la vie à Téhéran sous le régime des mollah.
La géographie de cette ville est omniprésente dans ce récit avec pour repère central, l'avenue Vali Asr ( l'ultime sauveur, baptisée ainsi par l'imam Khomeiny en hommage à l'imam Madhi).
Cette avenue, bordée de sycomores coupe la ville en 2 et s'étend sur 18 km du Nord au Sud, de 1900 m d'altitude, à 1200 m . Elle est prise en étau entre 2 chaines de montagnes culminant à 4000 m, et sert ainsi de réceptacle des fumées et des gaz engendrés par le nombre croissant des voitures, avec pour conséquence une pollution permanente.

Le niveau social de la population est corrélé à la situations géographique des uns et des autres, au regard de cette fameuse avenue, les plus riches au Nord, les plus pauvres au Sud.
L'auteure a infiltré différentes milieux sociaux culturels et nous fait partager sa lecture du monde Téhéranais sous forme de récits fictifs collant au plus juste à la réalité quotidienne des habitants.
A travers 8 histoires associées au prénom d'un personnage symptomatique, elle nous raconte les problématiques des uns et des autres dans une société où le mensonge et l'hypocrisie sont indissociables mais nécessaires pour vivre sous ce régime théocratique.

Dariush, radicalisé à l'étranger cherche à commettre un attentat contre un haut fonctionnaire, puis se trouve dé-radicalisé par le régime.

Somayeh est l'histoire générique d'une jeune fille d'un milieu modeste jonglant entre les désirs intimes et son rapport à Dieu. Les mollah donnent des exercices physiques associés à des lectures sur les prophètes aux jeunes filles pour éviter toute pensée libidinale. Les codes vestimentaires, notamment le port du voile sont bien disséqués jusqu'à cette publicité affichée sur les murs de Téhéran montrant 2 bonbons, un ouvert recouvert de mouches et un enveloppé de papier, avec pour légende »Le voile c'est la sécurité »
Le tchador est synonyme de pureté, de piété et de pudeur.
Ce chapitre est à mon avis le plus symptomatique d'une société qui officiellement cherche à étouffer la sexualité, mais qui officieusement ne pense qu'à ça.
Les filles se doivent d'être vierges au mariage au niveau vaginal, peu importe leur »virginité « annale ce qui fait de Téhéran (selon l'auteure) la championne mondiale de cette pratique sexuelle !!
Les mariages sont le plus souvent arrangés et les divorces peu acceptés.
Somayeh se marie puis se trouve vite confronté à l'adultère et ses conséquences . La piété apparente est un gage d'honneur, le voyage à la Mecque est un nec plus ultra, le père de Somayeh en est le champion, jusqu' à ce que sa femme découvre qu'il voyage en fait en Thaïlande assouvir ses besoins sexuels.
Amir est un jeune homme non croyant dont les parents ont été pendus (avec 5000 autres) par le régime des mollah en 1988 , après des jugement sommaires rendus par des juges croyant à leur mission de dispenser la justice de Dieu.
Le juge responsable de la mort des parents de Amir, cherche son pardon après avoir réalisé à quel point le régime s'était laissé miné par des questions d'argent et de pouvoir.
Bijan

On perçoit le niveau de collaboration entre le grand banditisme et la police, dans les quartier Sud où le trafic d'armes, de drogue, de prostitution fond abstraction de la théocratie, on apprends le lien entre la mafia Japonaise et Iranienne.

Leyla
ou l'itinéraire d'une jeune fille issue de la classe moyenne qui se prostitue pour vivre puis tourne pour des films pornographiques amateurs très prisés de la société des nantis à Téhéran .Les juges abusent de leur pouvoir pour profiter sexuellement des femmes accusées de prostitution.
Les législateurs et érudits passent des heures à parler sexe, philosopher sur le sexe afin de le condamner et le punir selon leurs lois.
Le comble de l'hypocrisie de ce régime est le Sighieh ( mariage temporaire approuvé à la fois par Dieu et par l'état qui lie un homme (qui peut être marié) à une femme (qui ne peut pas l'être).
Ainsi les mollah, ayatollah et tous les hommes mariés peuvent avoir des rapports sexuels avec une prostituées ou une jeune fille en toute impunité devant la loi et devant Dieu.

Moteza ou la difficulté de vivre son homosexualité, notamment dans les milieux les plus populaires, ce qui n'empêchent pas certains commandants de brigades de la pudeur d'abuser en toute impunité de leurs recrues.
Asghar ou la vie d'un hors la loi pré révolutionnaire minée par la drogue omniprésente à Téhéran.
Farideh, l'aristocrate pré révolutionnaire qui vit dans le Nord mais qui doit composer avec un régime qu'elle ne supporte plus au point de quitter le pays puis y revenir malgré tout aimantée par cette ville qui malgré toutes les vicissitudes et interdictions diverses bouillonne de vie et où le mensonge et l'hypocrisie sont devenus un art de vivre.

Par-delà ces récits, Ramita Navai nous fait visiter une capitale dans son intimité la plus profonde , je pense à Loo Reed avec « take a waak on the wild side », déjouant l'idée d'une ville endormie par le joug chiite, elle nous montre un monde vivant, dynamique portée vers des excès ( drogue, alcool, sexe et pornographie), générés par la prohibition et le puritanisme officiel.


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