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Critique de fanfanouche24


Un fort lointain souvenir de lecture d'un texte puissant, secouant, publié initialement par les éditions des Femmes, en 1977...J'en ai retrouvé une réimpression à la Librairie Mémoire7 [Clamart], que j'ai relue en une nuit...

Toutefois... la chronique n'est pas aisée...tant la révolte et l'émotion nous prennent à la gorge au fil du récit.

L'auteure, médecin psychiatre se rend dans une prison de femmes, au Caire...pour étudier les personnalités des détenues...Elle se sent attirée et fascinée par une prisonnière différente et mutique, Ferdaous ...


"Ferdaous en langue arabe signifie "paradis", et c'est donc une femme prénommée Paradis qui, la veille d'être pendue pour avoir tué un homme, interpelle, d'une "voix en enfer", toutes les femmes d'une société où l'oppression sexuelle séculaire commence à peine à être dite de l'intérieur.
Etapes successives de la vie de Ferdaous, devenue prostituée par révolte,après avoir traversé les cercles d'une exploitation implacable: son enfance en Haute-Egypte où le père, écrasé de misère, épargne sa vache mais non sa femme, ni sa fille; son adolescence au Caire où l'oncle, professeur, refuse de l'envoyer à l'université "où il y a des hommes" et la marie de
force à un vieillard. Femme battue, Ferdaous choisit la rue (...)
(p. 9)[Préface d'Assia Djebar, mai 1981]

L'auteure est intriguée par cette femme," meurtrière par défi"... souhaite la rencontrer, mais dans un premier temps, elle essuiera un refus catégorique; Ensuite, peu avant de subir sa condamnation à mort, Ferdaous accepte de raconter son lourd parcours, dans une société où une vache est mieux traitée qu'une épouse ou une fille, où ces dernières comptent pour rien....

L'auteure, par un style original (où des passages au lyrisme confirmé, très semblables reviennent régulièrement comme une sorte de psalmodie... qui nous berce comme le flux, le reflux de la mer...) met en avant le courage, la lucidité infinis de cette femme, éprouvée par une société archaïque, aux traditions oppressantes pour les femmes, sans omettre le machisme sans limite des hommes....maris, pères, frères, etc.

L'itinéraire acharné d'une femme qui souhaite trouver sa place, ainsi que dignité et indépendance...mais après avoir été rudoyée, violentée par les hommes de son entourage et les autres...elle retourne malgré elle à la prostitution...Je transcris un des passages les plus déchirants de ce récit , d'une femme qui a cru en l'amour d'un homme en qui elle avait mis toute sa confiance...


"Peut-être aussi parce que la vie d'une prostituée, c'est la rue et là, jen'attendais rien de lui.
Mais dans l'amour j'avais attendu quelque chose; dans l'amour, j'avais commencé à rêver que j'étais enfin devenue une personne. Quand j'étais prostituée, je ne donnais rien pour rien; mais dans l'amour, j'ai donné mon corps, mon esprit, mes forces pour rien. J'ai tout dépensé pour
l'amour. J'ai livré mon être sans armes et sans défense. Prostituée, je me tenais toujours sur la défensive, toujours l'esprit éveillé. Je protégeais mon être en soustrayant ma personne profonde et je livrais à l'homme un corps vide et insensible. C'était cela me défendre moi-même: m'abandonner , tout en me dérobant.

(...) Prostituée, j'économisais mon énergie, alors que dans l'amour, combien ai-je donné de mon être ! (...)
Je ne voulais rien d'autre qu'être ravie par l'amour et devenir ainsi moi-même, cette femme respectée que les autres ne méprisent plus. (p. 136-137)


On ne sort pas indemne de cette lecture qui exprime si fort les
violences insupportables faites aux femmes sous toutes les
latitudes... Tant que des hommes traiteront sans respect leurs
femmes, la planète débordera de guerres et de conflits...multiples.

"Je me sentais étrangère à ce monde et tout de ce monde m'était étranger: cette terre, ce ciel, ces arbres. C'était comme si je déambulais dans un monde irréel, sans que je lui appartienne, sans qu'il m'appartienne...
Faire ce que l'on veut et ne pas faire ce que l'on ne veut pas !
Liberté de n'appartenir à personne, volupté de se détacher de
l'univers ! Se sentir une femme indépendante, parmi d'autres êtres indépendants ! Ne subir le pouvoir d'aucun homme et ne se plier ni aux lois du mariage, ni à celles de l'amour ! Vivre en dehors du temps, en dehors des lois, en dehors même de l'existence ! (p. 138)
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