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Critique de BazaR


BazaR
15 septembre 2018
Ça ne pouvait pas durer.

Aimer la fantasy, l'histoire et la mythologie, il me fallait franchir le pas et lire Javier Negrete. Merci à ma chère Tatooa pour l'impulsion !

Alexandre, le seul le vrai le Grand, n'est pas mort à Babylone. Euctémon le médecin l'a sauvé. Repris par sa frénésie de conquête, Alexandre s'attaque à l'Occident, dézingue Carthage et nettoie Rome. Il ne peut y avoir qu'un seul pouvoir suprême et tous doivent s'y plier.
Tout ça – et d'autres choses encore relatées je suppose dans Alexandre et les Aigles de Rome (publié postérieurement d'ailleurs) – s'est déroulé avant le début du roman. Ce dernier, judicieusement sous-intitulé le Dernier Voyage d'Alexandre le Grand, emmène l'armée du conquérant vers le Nooord, l'Hyperborée, à la recherche (non, pas des Ch'tis, tsss !) du Temple du Destin mentionné dans La République de Platon et visité par Er. Quelles sont les véritables intentions d'Alexandre ? L'armée le suivra-t-elle jusqu'au bout ? Quel sort annoncé par un oracle attend vraiment Euctémon ?

Ce roman m'a pendant un temps laissé dans l'expectative parce que je l'avais pris par le mauvais bout. Je le considérais simplement comme une suite, uchronique certes, de la vie d'Alexandre qui aurait lieu dans notre propre univers. Ce faisant je remarquais des trucs bizarres, comme cette absence de mer rencontrée lors de la montée de l'armée vers le nord. Mais mon point de vue était mauvais – et j'aurais d'ailleurs dû m'y attendre à cause des éléments de pure fantasy (la comète, l'anéantissement de… une ville) présents dès le début. Javier Negrete construit son monde à partir de la vision qu'en avait Hérodote, et partant de là les choses se comprennent mieux (voyez la carte ici https://mediterranees.net/geographie/images/figuier2.html ). de plus ce monde fait le lien avec la mythologie grecque, dans le sens où Negrete suppose que les événements mythologiques ont bien eu lieu. Cette emprise de la mythologie sur le récit apparaît au lecteur petit à petit, à travers l'intriguant personnage de Planès d'abord puis aux découvertes faites durant le voyage.

Un autre élément m'a turlupiné, et continue d'ailleurs. Qu'un Alexandre suffisamment requinqué après sa « maladie » à Babylone pour se lancer à l'assaut de l'Ouest et éliminer les guerres puniques et l'empire romain du futur de l'Histoire, pourquoi pas ? Mais son caractère semble avoir changé, plus proche de ce qu'il était avant la victoire sur les Perses. Il ne cherche plus à se faire adorer tel un Dieu, il a laissé tomber la pompe orientale, comportement qui lui avait mis ses premiers compagnons macédoniens à dos. Pourquoi ? Qu'est-ce qui l'a ramené à une attitude plus « grecque » ? Est-ce pour cela que son armée, à nouveau essentiellement gréco-macédonienne, l'accompagne sans rechigner vers l'occident puis le nord, alors qu'elle en avait ras la casquette des conquêtes après l'Inde ? Les réponses se trouvent-t-elles dans Alexandre et les Aigles de Rome ? Si oui, Javier Negrete a bien fait de l'écrire.

Bon, Alexandre fait moins seigneur oriental qu'avant sa mort avortée, mais il n'en reste pas moins un personnage à la stature quasi divine dans le roman. Il semble tellement inaccessible, au-delà de l'humanité normale, malgré ses efforts pour garder le contact avec ses soldats. Il est vénéré, ou craint, ou les deux en même temps. C'est ce que j'ai ressenti à travers la narration d'Euctémon. Ce dernier personnage est plus accessible et intéressant, travaillé au corps par des émotions contradictoires, amour et sens du devoir, effrayé par l'oracle qui pèse sur sa tête. Les seuls moments où on le sent sûr de lui sont dans ses actes médicaux ou ses discussions avec son esclave Boéthos – sa restitution du mythe de Phèdre et Hippolyte est d'ailleurs très orientée pour servir son propos car il fait porter tout le blâme à Phèdre en oubliant l'insupportable narcissisme d'Hippolyte (voir la pièce d'Euripide) – ou avec le quasi-comique philosophe Archippe.

Certaines parties du voyage, de l'ordre de la péripétie guerrière avec des barbares, m'ont un peu ennuyées. Mais la prise en main progressive du récit par la mythologie m'a beaucoup plu. Si j'ai vu venir l'explication pour Planès, je me suis trompé sur son identité . La fin, que l'on peut catégoriser SF si on aime les étiquettes, est absolument inattendue. Et j'aime bien être surpris.

Il est évident que je ne peux plus en rester là avec cet auteur. Il me faudra approfondir, et d'abord avec ses Aigles de Rome qui expliqueront probablement bien des choses.
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