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Critique de dancingbrave


Il en va des philosophes comme des artistes : ils se doivent d'influencer leurs successeurs pour atteindre la notoriété.
Ce principe est très prégnant actuellement et gage de légitimité.
Boaf…
Personnellement je ne vois pas le bien fondé de cet argument, je le trouverais plutôt appauvrissant.
Si dans l'art cette influence est flagrante, dans certaines formes, dont la philosophie, elle se manifeste par des référencements continuels, assommants et finalement obscurcissants.
Pour le lecteur dont la connaissance des auteurs cités est relativement modeste, ce qui est mon cas, cela devient rébarbatif.
Dans cet opus, pourtant destiné au grand public, cela atteint un tel degré, proche de la nausée, qu'on s'y égard rapidement et que le texte en perd sa vivacité.

Heureusement Susan Neiman distille quelques traits d'humour bienvenus :
Grâce à ses références à Kant – ad nauseam - aux stoïciens, aux philosophes des Lumières, et à Peter Pan, souvent.
Elle va jusqu'à se référencer elle-même. Par méthode ou par humour, je ne sais pas…

N'empêche que pour un essai, de 300 pages tout de même, qui traite de maturité et d'autonomie, ça la fiche mal…

Je comprends bien qu'avancer des idées simples qui ne font finalement référence qu'au bon sens, sans appui de maîtres à penser faisant autorité peut être angoissant.
Mais madame Neiman cette crainte est aussi une forme de soumission au système actuel que vous blâmez.
Affirmez donc simplement votre postulat, en doutant pour la forme, et le message passera beaucoup mieux. Car votre message est on ne peut plus capital.


En tous cas, pour ma part et en faisant abstraction de votre schéma de rédaction assommant, j'adhère quasiment à toutes vos idées :

1 - L'immaturité relève d'une forme de paresse : il est beaucoup plus facile de ne pas réfléchir et de se laisser guider dans nos choix et dans notre vie sociétale.

2 - La maturité s'oppose au "syndrome" de Peter Pan et à cette nostalgie de l'enfance.

3 - La maturité est une forme de révolte permanente et épuisante consistant à faire son possible pour que la vie s'approche de l'idéal tout en restant conscient de sa réalité.

4 - le choix est ce qui caractérise l'homme mûr.
Or ceci est incompatible avec l'asservissement à une société de consommation pour laquelle il est important de maintenir l'homme dans un leurre qui lui permet de croire en sa liberté de choix.
Car on ne lui propose que les choix entre une multitude de céréales pour petit déjeuner ou de voitures plus attrayantes les unes que les autres.
L'homme est ainsi captif du système tout en s'en croyant détaché. Cela s'entend également pour la politique, elle même asservie au système.
Le but de la société productivisto-consumeristo-alienante est de maintenir notre paresse intellectuelle par des joujoux apaisants. Elle a besoin de brebis dociles et fait tout pour nous maintenir dans cet état immature, formaté et confortable, à coups de publicités crétinisantes et de jobs aliénants et juste suffisamment rémunérés pour faire tourner la roue.

5 - Acquérir une autonomie de pensée, car c'est de cela qu'il s'agit, en quoi est-ce utile dans un monde où le travail (poiésis), subordonné au système est maître? N'est-ce pas attiser l'insatisfaction, la souffrance ? Etre adulte serait apprendre à souffrir ?
Pourtant, à y regarder de plus près, quitte à souffrir, il convient sans doute mieux d'opter pour une souffrance liée à l'insatisfaction sociétale plutôt que celle liée à l'insatisfaction de ne pouvoir acquérir les derniers objets inutiles qui sont indispensables à notre bonheur de paille mais si utile au système.
Car, au moins, plus les hommes véritablement adultes seront en nombre et plus nous auront la possibilité de sortir de ce schéma universellement destructeur.

6 - Dans l'élaboration de la pensée, le savoir ne suffit pas. le jugement est indispensable. et grandir permet d'affiner son jugement, si tant est qu'une base existe à ce bon sens car on peut être un imbécile très instruit.

7 - Nous sommes nés libres et partout nous sommes dans les chaînes. (Rousseau).

8 - Ce que vous faites dans le monde ne doit pas être relié à ce que le monde fait de vous.



Néanmoins quelques idées m'ont titillé:


L'auteure tourne et tourne autour du pot pour en revenir toujours à cette mono pensée qu'être grand c'est être en opposition aux idées qui nous ont été inculquées et au diktat sociétal.
J'y vois une sorte d'anarchie douce et une injonction à l'insatisfaction systématique qui ne me plaît guère.
Grandir se résumerait donc à cette faculté de pouvoir se mettre en opposition ?
Si « Un père doit avoir un enfant qui discute » Est-ce une finalité ?
Bien qu'elle en avance l'idée, l'auteure oublie la tempérance à vivre au mieux entre le monde tel qu'on le veut et celui tel qu'il est.


Je dirais en forme de conclusion de mon interprétation :

Notre unique plaie est l'argent.
La production économique n'est plus le moyen d'avoir une bonne vie, c'est notre vie qui est devenue le moyen d'assurer le bon fonctionnement de la production des ventes et de la consommation.

Et à Susan Neiman, toute modestie oubliée, je dirais
Pas besoin d'être en opposition systématique.
Ça c'est l'adolescence.

Pas besoin non plus de tenir la main de Papa ou Maman pour dire haut et fort ce que l'on pense.
Ça c'est ça être grand

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