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Critique de Myriam3


Début de l'Occupation:
d'un côté, c'est l'exode, la peur des bombardements, les rues et les immeubles de Paris désertés et la foule qui parcourt les routes quand les trains ne circulent plus. Ebahissement de ceux qui marchent et espèrent encore, pour les plus aisés, être bientôt accueillis dans un hôtel luxueux ou pouvoir s'offrir de bons restaurants pour soulager leur exil, mais sur la route, tout a déjà été vendu, pillé, mangé, occupé, et il ne reste plus qu'à marcher encore, dormir à la belle étoile, se contenter d'un bout de pain.
Les ponts sont bombardés, l'incompréhension et la peur règnent.
D'un autre côté, les villages occupés par les Allemands, les chevaux réquisitionnés ainsi que les chambres libres qu'un Bruno, Willy ou Siegfried viendra loger pour quelques mois. Mais l'hiver ne dure pas éternellement, la haine non plus, et avec la végétation qui refleurit, le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, l'abondance des vergers, les villageois - d'abord les jeunes filles et les enfants, puis, peu à peu, les commerçants, les vieilles - commencent à apprécier ces jeunes Allemands à peine âgés de vingt ans, polis et courtois avec qui ils partagent plus d'une bouteille de vin et de photos de famille.
Les deux portraits de l'Occupation allemande que trace Irène Némirovsky sont d'un pur réalisme, l'un présentant un versant cynique et l'autre optimiste des relations humaines en tant de guerre. les saisons qui passent, indifférentes au malheur qui s'abat sur le pays, déroulent le temps et les évènements, le retour après l'exode, les blessures de guerre. Il est assez incroyable de penser que ce long texte ait pu être écrit au moment même de l'occupation tout en ayant un regard déjà si distancié, objectif et sans haine.
Quelle maîtrise et quel sang-froid quand on sait qu'Irène a été déportée en 1942 et connaissait les risques qu'elle courait en tant que juive de confession. On comprend, dans les notes annexes, qu'elle écrit pour les générations futures un roman qu'elle veut intemporel. On y apprend aussi qu'elle voulait aborder le communisme et la résistance, ce qu'elle n'a pas eu le temps de faire.
Si nulle part n'est évoqué le sort de la population juive persécutée et des déportations, le regard d'étrangère que porte Irène sur ces évènements offre un portrait intime et profond de la population française, on pénètre dans leurs maisons et leur famille, leurs sentiments ambigus envers ses envahisseurs qui pourraient être leur fils ou mari.
On ne saura pas ce qu'il adviendra de ces jeunes soldats allemands, roses et souriants, qui prendront un soir la route pour la Russie, mais les notes nous en apprend un peu plus sur le sort que l'auteure réservait aux autres personnages.
En dehors du récit, l'histoire de ce manuscrit enfermé pendant plus de trente ans dans cette lourde valise que les deux fillettes d'Irène Némirovsky ont traînée partout avec elles jusqu'à la fin de la guerre est tout simplement époustouflante, et bouleversante.
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