Cette histoire nous entraîne dans les chaînes de Montagne kurdes entre l'Irak et l'Iran, encore minées suite à la guerre Iran - Irak qui s'est pourtant finie il y a 35 ans. On suit une caravane de contrebandiers qui vont braver les gardes frontières et la neige pour faire entrer en Iran des produits interdits par le régime (des chaussures, des chapeaux, des téléviseurs…).
L'auteur considère avec beaucoup d'humanité ces villageois, aux vies rudes, aux comportements secrets et qui utilisent l'humour pour se protéger. J'ai été très émue par leurs différentes histoires, qui se dévoilent petit à petit, dans des conditions extraordinaires, la tempête extérieure se dédoublant dans les tempêtes d'émotions. J'ai surtout été émue par la solidarité unanime qui les lie et par l'altruisme et la générosité immédiate qui se dévoile dans les moments difficiles. Il y a chez tous ces hommes une dignité, bien rendue par l'auteur, malgré des actes répréhensibles
(je pense en particuliers à Nasser qui va prendre sous son aide un jeune homme inconnu alors qu'il a tué sa fille le matin même car elle est tombée amoureuse d'un autre homme que le vieux commerçant auquel elle était promise). Ce thème du crime d'honneur abordé sans avoir l'air m'a beaucoup touché par ailleurs
Les dessins en noir et blanc en font une fable intemporelle, on a du mal à croire que l'histoire se passe en 2022. Les seuls tâches de couleur sont réservées au tapis de Rojan et à l'ultime combat de Rostam contre le démon blanc, permettant de mettre en valeur ces moments. Les quelques couleurs, très douces, liées à la mort accentuent ainsi la lecture douce - amère du récit.
L'auteur
Mana Neyestani a fui son pays après qu'un de ses dessins lui ait valu un emprisonnement et vit depuis en exil, en France depuis 2012. Il a travaillé pour de nombreux journaux dissidents et est membre de l'association Cartooning for Peace. Je trouve que son engagement politique se ressent dans l'humanité du ton de son récit.
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