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Critique de EvlyneLeraut


Prodigieux, intense, un hymne à elles, Clara et Chloé, jeunes filles d'écorce et de mousse. Marche lente dans un livre huis-clos, rien que pour elles. On reste en assise dans ce texte au regard franc, vif et intrinsèque. Contemporain, stupéfiant de profondeur. La beauté des sentiments qui ne cèdent rien à la dernière marche des aspérités.
Lire, c'est étreindre le plus léger des gestes. On pressent le ralenti, l'heure prononcée de Mikella Nicol. Une narration robe blanche et marelle entre ciel et terre. Elles sont ici. Clara, divinement amoureuse dans les triomphes de la gloire d'une osmose au possible devenir. Malheureusement, le fil est rompu. L'amour radeau de Géricault , Clara est en dérive.
Chloé est égarée dans les méandres de ses angoisses. Peurs abyssales, le monde trop bruyant, les lumières de la ville, endormies. Chloé est une coquille dans son lit de meurtrissures et de chairs scarifiées.
Elles, siamoises, gémellaires, l'enfance : le lac spéculatif qui ordonnait pourtant les communions charnelles, les balançoires jusqu'au ciel, les rires clairs et le diapason d'une complicité originelle.
Chloé se meurt. L'hôpital, pansements sur les blessures mais pas sur les maux. L'oiseau grappille quelques miettes de pain.
Une robe noire, fantomatique, armure sur un corps qui ne cherche que la sérénité, la paix cyclique de la nature prête à pardonner. Chloé doit s'efforcer, rocher de Sisyphe, Clara soudée à elle. Les épreuves lianes et le retour ensemble dans le chalet en bois des parents de Chloé. Havre, Arche de Noé, barque et berceau, retirées du monde pour oeuvrer au bon, au beau, au charnel, à cette fusion, lave de volcan.
Le lac inspirant, complice et ses reflets qui ne repoussent que les pudeurs et les interdits. Elles ont couronnes de solitude, forêts et pinèdes. le plancher qui craque et lit foetus.
« Les souvenirs ne sont pas les gens : ils ne nous délaissent pas. »
Elles allongent leurs jambes jusqu'à l'horizon. Devinent le magnétisme du salvateur. Belles, cygnes, larmes et sourires. Corps brûlants en plein soleil et secrets au fond des bois, guérisseuses d'elles-mêmes, initiatiques.
Le retour à la terre ferme sera une nage en pleine mer houleuse. Clara, l'amour vaste pour cet homme qui choisira l'autre femme, jamais nommée. Parabole de la chute.
Chloé va affronter ses démons, réveillés en sursaut dans le spartiate de sa vie. Elles sont garde-fou, bandeau noir sur les yeux. L'alliance d'une équité dans l'épreuve. Anneau et raz-de-marée, l'adolescence est un envol, l'aigle noir.
« Bientôt le lac sera gelé, et cette idée nous empêchait de dormir. »
L'âge happe ces belles, brusque leurs espoirs. Elle ne sont qu'écueils et lézardes. Foudroyées par le mutisme de l'écho qui seul, pourtant comprendrait.
Clara, désespérée par la perte de l'homme. Chloé, trop fragile pour combattre les diktats du monde. «  Entre la nature et le rêve . »
« Les filles bleues de l'été » est un voile blanc claquant au vent. Cercle tragique et libre, immensément libre. L'été est la parole qui annonce ce majestueux livre, le triomphe des mots qui savent.
On pleure, parce qu'on pense. On ne vagabonde pas dans un tel livre, on lui doit le respect.
Clara et Chloé, jusqu'au point final.
À noter : La photographie de couverture de Claudine Doury («Nous n'irons plus au bois »,2018), conte la fin de l'enfance de sa fille.
Fondamental, magistral et immensément féminin. Publié par les majeures Éditions Le Nouvel Attila.
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