Citations sur Les Filles bleues de l'été (18)
Je m’appelle Clara et je veux qu’on entende dans mon prénom les éclats de l’été, tombés sur le sol gelé. Que mon nom sonne comme un brise-glace dans la stérilité de l’hiver qui s’en vient.
ma peine de cœur avait ouvert mon ventre pour que les curieux puissent y voir grouiller la douleur
Moi je suis venue une dernière fois contempler mes souvenirs comme on regarde de loin des enfants jouer dans un parc. Revoir la petite fille que j'ai été chatouiller l'herbe en regardant mon père scier des planches pour construire une balançoire. J'étais le centre du monde, quand ma mère m'amenait l'eau et m'apprenait à nager. Qu'est-ce qui a basculé pour que je doive porter le monde en mon centre?
Quand Chloé, mon amie, avait eu besoin de creuser ses sols pour retrouver un peu d’assurance, il y avait eu la forêt dénuée de préjugés pour l’accueillir.
Quand j’avais voulu crier les barrières érigées autour de mon cœur, qui avaient empêché l’homme que j’aimais de coller à moi, il y avait eu la lac pour adoucir ma voix.
Je ne peux pas pardonner aux jours d'avoir retrouvé leur captivité. Nous avions réussi à fuir la séquence, mais on nous a prises par la nuque pour nous déposer dans le courant. La vie est redevenue une rivière triste qui charrie nos morceaux de banquise. Le temps n'a plus le droit de s'arrêter pour qu'on le regarde dans les yeux.
Clara avait déjà été avertie qu'il fallait se méfier de ces hommes qui s'embrasent comme de grands oiseaux devant nos yeux, pour nous faire mourir avec eux l'instant d'après. Pourtant, elle aurait voulu connaître celui qui portait le feu. p.19
Personne n'a mentionné sa longue absence : comme nos amis, les belles filles aimaient mieux parler lorsqu'elle n'était pas là. C'était plus facile. Du premier regarde, elle a su : les histoires avaient circulé comme les voitures le faisaient ici, en emportant tous les autres bruits et les odeurs douces.
Elle ne lisait plus de livres. Moi non plus. L’excitation était trop forte pour que les pensées se concentrent sur les mots immobiles. De toute façon, si la fiction avait pu remplacer nos jours, il y a longtemps que nous aurions été sauvées. Si les romans avaient pu nous servir de maison, nous aurions cessé de chercher la fuite.
Clara avait été aimée, avant lui. L’amour lui avait toujours laissé ce goût de métal en bouche. Cette colère de devoir appartenir, ce sentiment d’y laisser un morceau de chair, chaque fois. Elle ressortait de l’amour avec une envie de fuite.
C’est toujours quand on commence à pouvoir les nommer que les choses disparaissent. Dire : tu es à moi. Je suis à toi. Quand les vagues qui se formaient dans les bas-fonds deviennent des mots et échouent dans la bouche. Toutes seules, les vagues, elles prennent possession de la bouche, du cœur.