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Critique de frconstant


Face à Nietzsche, qui suis-je pour me prononcer, pour juger, pour comprendre seulement l'essence même de la philosophie qu'il défend ? Si rien n'est Bien et, tout en même temps, rien n'est Mal, comment dois-je me sentir au terme de cette lecture? Par-delà le Bien et le Mal, puis-je m'autoriser à être envieux de ce pouvoir qui appartient à la caste des êtres avides de puissances que Nietzche décrit comme moteur du monde ou dois-je plutôt accepter de me reconnaître oppressé par ces derniers, ces aristocratiques, et me ranger du côté des esclaves ?
‘Libre penseur', je peux aussi refuser de suivre Nietzche dans sa définition d'une philosophie qui refuse toute morale classant et structurant la vie en un affrontement permanent de ces forces du Bien qu'on appellerait vertus et celles du Mal qui ne seraient que défauts. Néanmoins, je découvre un Nietzche qui m'invite à poursuivre inlassablement ma quête de vérité en posant la question de l'origine de la réalité et celle des fondements du pouvoir, le tout sans a priori. Entrer dans le monde des esprits libres, c'est refuser la catégorisation dichotomique proposée par les morales teintées de religiosité ou d'enseignements civiques qui portent à croire que le Bien est du côté de la vertu, non du péché, que la force s'oppose à la faiblesse, que la solitude est le déni de l'altruisme ou que l'ignorance est de l'anti savoir. En toute chose, le philosophe, digne de ce nom, le nouveau philosophe veillera toujours à se poser la question de savoir qui définit les valeurs comme positives ou non, et pourquoi.
Fort de cette idée, il remet en cause le principe de démocratie qui semble vouloir mettre tout le monde sur un même pied et donc empêcher les puissants de se réaliser au bénéfice des plus faibles qui freinent le développement du Monde. Il égratigne aussi la notion même de vérité scientifique, rien n'étant définitif, tout étant lié à l'instant, il ne peut y avoir de vérité établie !
Si cette philosophie joyeuse du doute permanent est séduisante, Nietzche n'en est pas moins parfois imbuvable dans sa critique des autres philosophes dont aucun ne trouve grâce à ses yeux et qu'il traite de vieux Kant, de crétin de Schopenhauer ou encore de Spinoza menteur. Sa propension à dénigrer ce qui n'est pas lui, au plus profond de sa recherche, le porte aussi à se montrer très dur pour une série de peuple, dont le sien, dont il dresse un tableau critique à coups – le mot est faible – de caricatures réductrices et peu flatteuses. Mais la cible de prédilection de Nietzche m'apparaît, dans ce livre, être la femme à qui il ne reconnaît pas le droit de se revendiquer à l'égal de l'homme.
Quelques positions prises par l'auteur dans ce livre écrit en 1885 :
« La femme veut s'émanciper … c'est là un des progrès les plus déplorables de l'enlaidissement général de l'Europe. Car que peuvent produire ces gauches essais d'érudition féminine et de dépouillement de soi ! La femme a tant de motifs d'être pudique. Elle cache tant de choses pédantes, superficielles, scolastiques, tant de présomption mesquine, de petitesse immodeste et effrénée… Malheur à nous si jamais les qualités ‘éternellement ennuyeuses de la femme' – dont elle est si riche – osent se donner carrière ! »
« N'est-ce pas une preuve de suprême mauvais goût que cette furie de la femme à vouloir devenir scientifique ! Jusqu'à présent, Dieu merci, l'explication était l'affaire des hommes, un don masculin… »
« Mais elle (la femme) ne veut pas la vérité. Qu'importe la vérité à la femme ? Rien n'est dès l'origine plus étranger, plus antipathique, plus odieux à la femme que la vérité. Son grand art est le mensonge, sa plus haute préoccupation est l'apparence et la beauté. »
« Il (l'Homme) devra considérer la femme comme propriété, comme objet qu'on peut enfermer, comme quelque chose de prédestiné à la domesticité et qui y accomplit sa mission. »
« … la femme dégénère. C'est ce qui arrive aujourd'hui, ne nous y trompons pas ! »
« En comparant, dans leur ensemble, l'homme et la femme, on peut dire : la femme n'aurait pas le génie de la parure, si elle ne savait pas par instinct qu'elle joue le second rôle. »
Et je pourrais encore en citer maintes fois. Même si l'auteur, dès l'entame de son jugement de la femme, prend la précaution de demander la permission au lecteur et de fixer la limite de ses propos : « … on me permettra peut-être ici de formuler ici quelques vérités sur ‘la femme en soi' : en admettant que l'on sache au préalable jusqu'à quel point ce ne sont là que mes propres vérités. », ses propos restent, pour moi inacceptables et réducteurs tant pour la femme que pour l'homme capable de penser ainsi.

C'est certain, il écrit en 1885 et même si, à plus d'un point de vue, il se montre en avance sur son temps, sa perception de la femme me heurte, me révolte, me crispe et m'empêche probablement, de tirer toute la substantifique moelle de se enseignements.
Il me restera l'invitation à quitter le confort d'une classification Bien/Mal trop souvent issue du ‘politiquement correct' inculqué au nom d'une éducation partisane et à m'aventurer dans une recherche de vérité qui me convienne après moult réflexions, analyses, expérimentations et lecture de la vie… Tout un programme pour lequel je ne dispose sans doute pas de toutes les compétences nécessaires. Capter et m'approprier le Monde avec ma vision filtrante, prudente et réinitialisée à tout moment pour tenter de capter la vérité in situ … et en vivre !
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