AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de absolu


"Soupir, lieu de ronces, cailloux, roche basalte, en déséquilibre sous le ciel bleu, écrasé par la bouche des collines. Il ne pouvait s'appeler autrement.
C'est là qu'on naît, c'est là qu'on vit et c'est là qu'on crève, un lepasan entre deux ombres. On avale une poussière qui porte en elle l'espace et les gens, l'exigence des pierres et le souffle amorti de la mer.
Il n'y a pas de fuite possible."

Soupir, dernier espoir, dernier refuge terrestre pour une bande d'hommes et de femmes au bout du rouleau, au bout d'eux-mêmes, au bout de tout. C'est la terre qui exhale son dernier souffle, c'est le soleil qui assèche cette terre aride autant qu'elle assèche le coeur de Patrice l'Eclairé, le narrateur, Fer-Blanc, qui a perdu sa couleur, Noëlla, privée de jambes, Maryvonne, la mère de Noëlla, Royal, Palm qui n'a pour mère que cette terre qu'il connaît, qui le connaît, mieux que personne, Pitié, battue par amour, par impuissance, et quelques autres.

Un aller simple, vers une terre stérile, aride, aussi aride que les âmes venues s'y installer, venues y agoniser. Un dernier rêve, fou, il n'y a plus de raison, de demi-mesure possible. Ce sera rien. Ou pire. Mais pire que quoi ?
Un reste de rêve, porté par le vent, "Ce vent, à Soupir, le jour de notre arrivée. Cela sifflait, grondait, grinçait. Oh, ce vent, ce vent à Soupir. Il nous a saisis." porté et anéanti, un rêve sans sommeil, les yeux à peine ouverts qu'il a déjà disparu. le soleil l'a brûlé. "Le soleil et le vent à Soupir n'étaient pas comme ailleurs. Et la terre non plus. Sablonneuse, grumeleuse, cendreuse, elle ne contenait presque aucune humidité." Et pourtant Fer-Blanc y croit dur comme fer. Dur comme cette terre jamais fécondée, qui prend tout, sans jamais rien rendre. Qui se nourrira de la substance même des plants de ganja, de leur débris d'espoir, celui de Fer-Blanc, le nôtre.
Comme s'il pouvait en être autrement.
"Ile irréelle, rêvée, nous ne finirions jamais de la découvrir et de la haïr."

C'est Nöella qui a raison. Raison de n'avoir pas de jambes, aucune autre racine que sa mère qui la porte à bout de bras, à bout de souffle. Dans sa brouette qui grince, qui crie à cette terre, à ceux qui croient encore un peu en elle, qui croient encore un peu. Elle sait, elle, que c'est perdu d'avance. Elle sait tout. "Le premier regard qu'elle a porté sur le monde était déjà une mise en demeure. contre tout ce ui dans cette île, dansait, ondulait, déambulait. Contre la légèreté des feuilles et du vent, et la fuite souple de l'eau et des voiles. contre l'éternelle dérobade des regards."

Royal Palm aussi, sait. Il sait, que cette terre n'a rien à donner. Rien à donner à ceux qui en attendent quelque chose, comme un droit inaliénable, comme un dû. Mais ce sont les hommes qui ont une dette, celle d'être nés icI. Soupir n'a rien demandé. A personne. "Royal Palm était de ces êtres qui ne cessent jamais d'errer en dehors d'eux-mêmes. Il se coulait dans le paysage, s'y fondait comme un caméléon entre deux aeaux glauques, puis réapparaissait dans les lieux les plus inattendus. Il changeait de couleur et de forme. Il pouvait être arbre ou feuille, cave ou rocher. Mince, agile, frondeur et secret, personne ne connaissait Royal Palm. Il était sans chair et sans substance, et parfois même sans regard."

Dernier soupir, dernière marche vers nulle part, l'île est un "lieu-non-dit", un "non-lieu". Tout s'annule ici, tout se désagrège, tout disparaît. Sauf les hommes.

"Ils sortaient des abris de fortune le corps dilapidé. Ils contemplaient le jour, incurieux, sachant qu'ils n'en réchapperaient pas."
Lien : http://www.listesratures.fr/..
Commenter  J’apprécie          10



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}