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Critique de SZRAMOWO


Le roman de Thierry Noiret explore une idée originale et audacieuse que l'auteur s'est donné comme une contrainte d'écriture qu'il respecte scrupuleusement tout au long du récit.
Il établit un parallèle, qui devient de plus en plus évident au fur et à mesure de la lecture, entre la conception, le développement et la naissance d'un roman et ceux d'un être humain.
Le roman s'est fait homme. le roman se fera homme. Il naîtra, il vivra, il mourra non sans avoir connu les vicissitudes de la vie, ses aléas et ses tracas.

Rédigé sous forme de questions le récit interroge nos propres convictions sur le sujet et s'il nous pousse parfois à sourire voire à rire, il nous pousse souvent dans nos retranchements.
L'auteur pose la question que nous nous posons tous en venant au monde : c'est quoi la vie, comment nous est-elle donnée et qu'en faisons nous ?
« Venir au monde, ce n'est pas rien ! Il vaut mieux y réfléchir à deux fois. Tant qu'il en est encore temps ! L'essayer c'est l'adopter, lui souffle-t-on dans l'oreillette. »

Au moment de l'impact d'un spermatozoïde et d'un ovule ; alors qu'il n'est qu'une vague idée déambulant paresseusement dans les circonvolutions cérébrales de l'écrivain, le foetus/roman est-il conscient de ce qui est sur le point de lui arriver ?

Retranché maintenant dans son domicile utérin, passé à l'état de notes griffonnées à la hâte sur un papier de circonstances, le foetus/roman est-il plus conscient de son avenir probable ?

Il vit douillettement, sans risques, à l'abri du besoin sans aucune conscience de ce qui l'attend !

Arrive le moment de la naissance. Ce saut dans l'inconnu : conséquence d'une décision volontaire ou résultat d'un réflexe donnant le signal du terme échu ? Allez savoir !
« Il y a enfin ce besoin impérieux. Une crampe, ça vient de l'intérieur, ça lui donne envie de contracter tout le corps puis de sucer, téter, crier. Oui, comme ça, la succion le calme. Encore du nouveau, une impression douce et crémeuse, tiède, réconfortante qui se glisse au plus profond de lui-même. Il s'apaise, cela suffit, le sommeil le prend. »

Il est sorti ! Et maintenant ?

« Maintenant il a une maman. Et pour longtemps, il sait qu'il peut compter sur elle. le monde peut enfin dormir. Il peut aussi poser sa plume, le récit prend forme. »
Il laisse à ses parents, le soin de le nommer :
« - Je te baptise, Roman, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »

Roman est double. Mais, « (…) il ne veut pas de cette chose, chétive, charnelle mais sans chaleur.(…) Roman se sait fait de mots, pas de chair : il suffit d'assembler les pages de sa biographie pour développer son être pensant… Pourquoi s'encombrer d'une anatomie ? »

C'est dans cette enveloppe charnelle que Roman connaîtra de sa vie, celle qu'il veut, va, est en train de, raconter :
« La vie de Roman s'égrène ainsi : impossible d'échapper au rituel des courses pour dîner, des files, des foules aux chariots encombrés, des cartons publicitaires qui vous attendent dès l'entrée, de cette musique suave entrecoupée de « Monsieur Biencourt est attendu caisse trois ».

Il passe au stade de la révolte, de la volonté d'en finir avec cette enfance contrainte :
« Roman, enfant, ça le fatigue qu'on décide tout pour lui, ses parents, ses professeurs. Plus tard, ce sont ses patrons, son rédacteur en chef, son éditeur… et surtout celui-là qui ne sait pas toujours de quoi il parle mais qui s'obstine à raconter sa vie quitte à remplir le vide des pires élucubrations : le narrateur. »

« Il emballe le tout dans le drap posé à même le sol, va au vide-ordures et d'un tour de bras bien ferme, sans regret ni rancune, sans empressement ni émotion aucune, jette son enfance. »

Sait-il qui il est réellement ?
« À jouer à s'incarner, Roman se prend au jeu. Parfois à force de remplir le papier, il se sent des morceaux de chair gratter sur tout le corps. Alors, se pose une fois encore la question de l'existence. Une vie pour de vrai ? »

Il revient toujours à cette question existentielle :
« Roman croit que l'on ne peut pas se couper de sa propre histoire. »

Il parvient maintenant aux rivages de la sénescence, de l'oubli et de la fin :
« Au moment de poser son stylo, il hésite un instant. Oui, s'il manquait encore quelque chose à sa vie, non pas tant à faire ou à voir, ni une mélodie à écouter ? »

« Alors, vivre ou s'écrire ? Où est la subtile différence ? S'il n'a jamais existé, c'est tout bien mieux ainsi. Les livres aussi disent « je ». »

Vous pouvez lire le roman maintenant, il est intitulé Roman un jour.…

Un grand plaisir de lecture ! Merci Thierry Noiret
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